EDUCATION
VIE SCOLAIRE
numérisme. Selon ce spécialiste, ancien
ingénieur et professeur de maths durant
vingt ans, il n'existe pas de blocage
structurel (autrefois appelé dyscalculie)
à l'apprentissage des maths. Au
contraire, une formation spécifique de
rattrapage (ou remédiation) s'étalant
sur 10 à 40 heures (le maximum de 40
heures correspondant à un élève de 4
e
en Segpa) permet de combler les prin-
cipales lacunes mathématiques usuel-
les.
Depuis 2011, l'Education nationale a
repris à son compte ce concept d'innu-
mérisme. Toutefois, dans les faits, Michel
Vigier déplore que la règle de trois,
abandonnée depuis le début des
années 1980, n'ait pas été réintroduite :
« Cette technique, des plus utiles dans
la vie quotidienne, n'a pas été rempla-
cée par des outils simples équivalents. Il
est nécessaire de généraliser l'usage
des tableaux de proportionnalité, des
outils pratiques. »
L’ancien professeur de
maths plaide même pour une simplifica-
tion de la langue française qui viserait à
remplacer les mots onze, douze, treize,
quatorze, quinze et seize par dix-un, dix-
deux… et à introduire septante, hui-
tante et nonante, comme en Belgique
ou en Suisse.
Le problème de l’abstraction
Un grand nombre de parents se retrou-
vent cruellement désemparés quand il
s'agit de faire face au blocage de leur
adolescent face aux mathématiques.
Une nouvelle voie a été ouverte par la
psycho-pédagogue Anne Siéty (lire en
encadré ci-dessus), qui défend une
approche psychologique.
Au quotidien, c'est aussi l'accompagne-
ment des parents qui doit s'adapter aux
difficultés du collégien. L'un des problè-
mes le plus fréquemment évoqués par
les élèves est la déconnexion par rap-
port au réel, l’abstraction. Les profes-
sionnels conseillent d'abord d'utiliser des
objets pour aider l'élève à matérialiser
un problème posé. Au collège, cette
stratégie est cruciale quand l'élève sem-
ble noyé dans l'abstraction. Avec des
objets, des situations de la vie courante,
le problème devient palpable et le cer-
veau va pouvoir mettre en route ses gril-
www.peep.asso.fr- numéro 380 - Mars-avril 2014
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(suite page 10)
Anne Siety,
psychopédagogue est l'auteur de « Qui a peur des mathématiques ? » (éd. Denoël)
À quel moment surviennent les blocages en
mathématiques ?
Souvent en 5
e
, lorsque les élèves abordent le calcul
littéral : les lettres remplacent les chiffres et le
raisonnement devient plus abstrait. Beaucoup d'élèves
pensent qu’ils n’ont pas compris les maths dans leur
globalité. Or, régulièrement, ces blocages [apparemment
massifs] ne portent que sur un point du programme. C'est
pourquoi il est essentiel de prendre du temps, et de
demander à l'élève de préciser ce qu'il ne comprend pas.
C’est donc l’abstraction de cette matière qui pose
problème ?
Les maths sont une matière à laquelle on est
particulièrement sensible. C’est une discipline à la fois
abstraite et très circonscrite à l’univers scolaire. Quand
quelque chose est abstrait, on y met de soi-même, on y
projette un peu de son histoire, de ses racines, de ses
repères… Lorsqu'un ado ne travaille pas ses maths, c'est
rarement de la mauvaise volonté. Cela peut venir du fait
que c'est violent pour lui : il ressentirait une sorte
d'anorexie mathématique. L’idée pour y remédier est de
réveiller son appétit.
Justement, comment mettre le collégien en appétit ?
L’essentiel est de respecter cette difficulté et d'éviter que
l’ado se sente dévalorisé : le laisser verbaliser sans juger,
lui demander de donner son avis sur sa difficulté et de
dire ce qu'il souhaite. Nous, les parents, sommes pris dans
une angoisse : si nos enfants ne réussissent pas en maths,
nous craignons – à tort – qu'ils ratent leur scolarité. Mais
l’angoisse est mauvaise conseillère. Il peut être
intéressant de faire entendre cette souffrance par un
psychopédagogue ou simplement d’écouter l’ado : lui
proposer des cours particuliers, le laisser travailler avec
un copain, un adulte…
« Mettre en appétit le collégien »