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EDUCATION

VIE SCOLAIRE

(suite page 10)

aussi de lycéens, sont contraints, sous

prétexte d’« intégration », de ramasser

des déchets, de se déguiser, de s’exhi-

ber et de subir contre leur gré toutes

sortes d’actes humiliants et dégradants.

« Dans mon école, nous avons dû

ramasser par terre avec les dents des

pièces de monnaie sur lesquelles les

anciens avaient craché,

se souvient

une victime sur un forum en ligne.

L’horreur »

. Et il n’est pas rare que les

soirées dérivent vers des actes à conno-

tation sexuelle, vers des alcoolisations

extrêmes voire vers des coups ou du

harcèlement dont les conséquences

peuvent s’avérer dramatiques.

Encore trop d’idées reçues

Si le bizutage est toujours aussi présent,

c’est parce qu’il fait encore l’objet de

nombreuses idées reçues. Trop souvent,

les organisateurs des soirées d’intégra-

tion pensent que les faits qu’ils infligent

à leurs camarades ne sont « pas si gra-

ves ». A leurs yeux, il ne s’agit même pas

de bizutage puisque, affirment-ils, les

victimes ont le choix de participer ou

non et même de quitter les lieux à tout

moment s’ils le souhaitent. Et puis, si per-

sonne ne se plaint, c’est bien la preuve,

selon eux, que leurs petits jeux sont ano-

dins. C’est sans compter sur l’effet de

groupe et la loi du silence qui empê-

chent la plupart des victimes de réagir.

« Ils n’ont aucune idée de l’impact de

leurs actes,

explique la mère d’un

lycéen.

Mon fils a subi ce genre d’agis-

sements pendant plusieurs mois. A force

de culpabiliser et de garder tout pour

lui, il en est venu à faire une tentative

de suicide. Quant à moi, j’ai fait une

dépression et j’ai fini par perdre mon

emploi. Je ne sais pas si je pourrai conti-

nuer à financer ses études »

. Le garçon

a eu le courage de poursuivre son cur-

sus dans le même établissement, mais

nombreux sont ceux qui préfèrent, pour

ne plus côtoyer leurs agresseurs, chan-

ger d’école quitte à abandonner leurs

rêves de carrière.

Des chefs d’établissement

ferment les yeux

Les directeurs d’établissement ont aussi

leur part de responsabilité. Nombre

d’entre eux ont encore tendance à

www.peep.asso.fr

- numéro 381 - Mai-juin-juillet 2014

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Marie-France Henry,

(ancienne responsable de Peep-Sup),

présidente du Comité national contre le bizutage (CNCB).

« Même si elle n’a pas permis d’éradiquer le bizutage, la

loi de 1998 a le mérite d’avoir fait évoluer les

mentalités. Il ne reste plus grand monde pour penser

que le bizutage est une tradition bénéfique à

l’intégration et à la construction des individus. Les

victimes hésitent de moins en moins à parler de ce

qu’elles ont vécu et à porter plainte. Quant aux parents,

ils sont nombreux à être inquiets et à prendre contact

avec nous parce que leur enfant doit participer à un

week-end d’intégration. Et c’est tant mieux, car le

bizutage ne fait qu’entretenir l’intolérance et le non-

respect de l’autre. Il n’existe pas de bizutage « gentil »

ou « bon enfant ». Le fait de vendre du papier toilette

dans la rue affublé d’un déguisement ridicule peut

paraître anodin, mais dès lors qu’il y a obligation naît

une forme d’humiliation et de soumission contraire à

l’égalité de droit des citoyens. On

constate de plus en plus que des

bureaux d’élèves pensent faire

taire les critiques en organisant

des manifestations à vocation

humanitaire, environnementale ou sportive. L’intention

est bonne à condition que tout le monde soit traité sur

un pied d’égalité. Dès lors qu’un groupe d’élèves est

chargé des basses besognes pendant que les autres

regardent ou dirigent, il s’agit de bizutage et ce n’est

pas acceptable. Cette forme de soumission n’a plus

aucune raison d’exister et les chefs d’établissement ont

un rôle important à jouer en prenant des mesures

sévères pour prévenir les actes de bizutage et en

sanctionnant de manière rapide et exemplaire les

auteurs. »

« Il n’y a pas de gentil bizutage »

minimiser les faits, voire à fermer les

yeux sur certains agissements pour ne

pas ternir la réputation de leur école. Et

quand ils prennent des mesures, elles se

limitent souvent à des avertissements

ou à des exclusions temporaires, peu

dissuasives et en aucun cas à la hau-

teur de la faute commise. Le déni de

certains chefs d’établissement est tel

qu’en septembre 2012, la ministre de

l’Enseignement supérieur et de la

recherche, Geneviève Fioraso a

adressé une note aux présidents d’uni-

versité et aux directeurs des grandes

écoles afin de leur rappeler que la loi

condamne aussi les personnes « qui ont

contribué à créer la situation ou qui

n’ont pas pris les mesures permettant

de l’éviter ».

La ministre leur a rappelé leur obligation

de prendre toutes les mesures nécessai-

res pour éviter que de tels actes se pro-

duisent, notamment en les incitant à

sensibiliser leurs élèves aux risques du

bizutage et en se rapprochant des

organisateurs des soirées d’intégration

pour en connaître les modalités et évi-