- numéro 381 - Mai-juin-juillet 2014
13
parents à bout de nerfs, l'internat gagne
désormais à être connu.
Pour Dominique Glasman, professeur
d'université, chargé d'intervenir lors de
ce même séminaire sur les perspectives
de l'internat
« nous sommes passés
d'une image négative de l'internat à
une autre plus positive. Tout se passe
comme si l'internat avait acquis
aujourd'hui une « acceptabilité » morale
qu'il n'avait pas il y a quelques années.
Pour les adolescents, cette acceptabi-
lité morale vient du fait que l'internat
leur offre la possibilité de changer de
rôle, de rompre avec le quotidien et le
milieu urbain au profit d'un lieu de socia-
bilité à l'écart des parents, dans un
cadre qui les aide à accomplir leur
métier d'élève. »
Et pour accomplir son métier d'élève
mais également améliorer les rapports
avec sa famille, Thomas, 17 ans, a
convaincu ses parents de l'envoyer en
pension.
« Une vraie bouffée d'oxygène
qui m'a permis de mieux travailler et de
mettre un terme aux conflits du quoti-
dien avec mes parents »
. De nombreux
adolescents en difficulté scolaire ou non
doivent ainsi convaincre leurs parents
pour qui l'internat est soit synonyme de
mauvais souvenirs soit de débarras pour
parents désintéressés. Pourtant, il ne
faut pas minimiser le côté salvateur de
la mise à distance en cas de conflits ni
mal interpréter le désir d'autonomie et
d'indépendance d'un adolescent. A en
croire Dominique Glasman,
« l'enjeu
consiste donc à faire en sorte que l'inter-
nat puisse se tenir à distance à la fois de
la caserne et du simple centre d'héber-
gement tout en créant un cadre capa-
ble d'associer incitation, contrôle, auto-
nomie et soutien, ce cadre devant par
ailleurs être lisible et attractif pour les
parents et pour les adolescents. »
Des conditions attractives et
citoyennes
Au collège de Marciac dans le Gers, les
responsables
affichent
l'ambition
constante de faire vivre aux jeunes inter-
nes un temps contraint agréable et por-
teur d'apprentissage de vie en collecti-
vité. Si le dialogue avec les élèves est
évidemment fructueux pour améliorer
leur cadre de vie et développer les acti-
vités partagées, la création de la classe
Jazz ou Ateliers d’initiation à la musique
de jazz permet de développer chez les
élèves la sensibilité, l'aptitude à créer, la
recherche de méthode ou l'acquisition
de comportements citoyens. Comme
l'indique Christian Péthieu, le principal,
« le jazz est ainsi le reflet de ce que doit
être pour nous la construction d’un
acteur de la société, avec un apprentis-
sage individuel rigoureux qui donne sa
place à la singularité des élèves grâce à
l’improvisation, et l’apprentissage des
contraintes et des joies d’un partage
musical en groupe. On le voit, notre pro-
jet dépasse le cadre strict d’une scola-
rité « classique » pour contribuer, avec la
musique, à un développement harmo-
nieux des élèves mêlant des acquisitions
de savoirs, de savoir-faire et de savoir-
EDUCATION
ZOOM
Aujourd’hui, les différents internats proposent
environ 215 000 places avec un taux d’occupa-
tion proche de 78 %.
(suite page 14)
Mme Le Rall,
CPE remplaçante à l'internat du lycée Jacques Prévert, Pont-Audemer (27)
La vision de l'internat a-t-elle changé ?
Oui ce n’est plus le bagne. Le but premier c'est de
mettre les élèves dans de bonnes conditions afin qu'ils
réussissent toute leur scolarité. Ici, on offre un cadre
studieux où il y a des heures d'études obligatoires. Nous
savons que certains élèves n'auraient pas utilisé ces
heures pour travailler s'ils étaient chez eux.
Qu’est-ce qui motive l’entrée en internat ?
Beaucoup de parents sont conscients du cadre privilégié
dédié aux devoirs. Avec 60 places (30 pour les filles, 30
pour les garçons), nous sommes obligés de faire une
sélection en début d'année car nous recevons plus de
demandes que nous n'avons de places. Nous étudions
alors la distance entre le domicile et le lycée ainsi que
les critères sociaux et familiaux.
Qui s'occupe de ces internes ?
Nous sommes trois CPE pour 60 élèves et nous nous
relayons pour effectuer des permanences jusqu'à
20 h 30. Sur place, de 18 h 00 à 7 h 30 du matin, il y a
deux assistantes d'éducation dont le rôle est d'encadrer
les élèves, de les surveiller et d'apporter leur aide à
l'étude si besoin. Elles sont aussi à l'écoute des ados
s'ils ont besoin de parler... Sorte de deuxièmes mamans.
Après, s'il y a un souci, les personnels de direction, qui
logent sur place, sont eux aussi de permanence en cas
de grave problème.
« Nous recevons plus de demandes que nous n'avons de pla
ces ! »