numéro 389 - Janvier-février 2016 -
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ront au sein même des cours disciplinai-
res, avec les enseignants de ces matiè-
res.
« Les EPI, c’est une méthode de tra-
vail et non pas une matière,
répond
Laurent Fillion.
Il s’agit de mettre en
œuvre les programmes des disciplines.
Donc ce n’est pas 26 heures de cours
moins 3 heures d’EPI, mais dont 3 heures
d’EPI. » « Les EPI vont être un moyen
d’acquérir les compétences et connais-
sances du socle commun et sont faits en
cohérence avec le programme,
estime
pour sa part Claudie Paillette.
Dire que
cela prend des heures sur les disciplines
est de la malhonnêteté intellectuelle.
Simplement, on les travaille autrement.
Un exemple : une collègue de SVT tra-
vaille les plaques tectoniques. Pour un
EPI, elle a décidé, avec une prof de lan-
gue, de faire travailler ses élèves sur des
sites en langue étrangère. Mais ils travail-
lent quand même les SVT ! Mieux, ils tra-
vaillent en même temps les SVT et les lan-
gues. »
Mais ces EPI seront-ils « efficaces » ?
Plusieurs objectifs sont en effet affichés :
donner du sens aux enseignements, tra-
vailler des compétences transversales,
améliorer l’autonomie, motiver les élèves
à travers notamment la réalisation d’un
projet. Or, d’aucuns estiment qu’il n’est
pas prouvé que les EPI parviennent à
atteindre ces buts.
« Tous les établisse-
ments qui ont déjà mis en place ce type
d’enseignement indiquent que les élèves
sont plus motivés, plus attentifs, ont plus
envie d’apprendre »
, assure Florence
Robine.
« Les élèves montrent de la curio-
sité avec ce type de projet, ils ont envie
de produire,
confirme Laurent Fillion.
Et
puis quand c’est nouveau, il y a toujours
de la motivation, notamment pour les
élèves en difficulté. »
Des EPI « clefs en main »
Une des questions qui reste en suspens
autour des EPI concerne leur prise en
main par les enseignants. En effet, il n’y a
pas de temps prévu spécifiquement
pour leur préparation. Si tous les ensei-
gnants seront formés aux nouveautés de
la réforme du collège avant la rentrée, la
mise en place pourrait s’avérer compli-
quée, entre les enseignants réticents et
les nouveaux arrivants dans les établisse-
ments qui n’auront pas eu le temps de
découvrir leurs collègues.
« Dans les for-
mations, on donne des exemples et on
donnera même des EPI “clef en mains” »
,
promet Florence Robine.
« Si on le veut
vraiment on parvient toujours à organiser
des temps collectifs entre enseignants.
C’est d’ailleurs un autre point positif des
EPI : ils vont amener les équipes pédago-
giques à travailler ensemble »
se réjouit
Claudie Paillette.
A neuf mois de la rentrée 2016, le flou
demeure encore autour de ces EPI, tant
sur leur mise en place que sur leurs
apports. Florence Robine, qui assure
qu’une évaluation de la réforme sera
faite, tient à rassurer :
« Jamais une
réforme n’a été autant anticipée. De
plus, à ceux qui disent qu’on détruit le
collège, on ne peut pas dire que le col-
lège actuel soit une réussite complète !
D’autant qu’on est loin de le détruire : les
EPI, ce n’est que 3 heures sur 26 ! On
ouvre simplement des possibilités. » « Les
EPI, ce n’est pas une méthode miracle,
conclut Laurent Fillion.
Mais je crois à l’im-
portance de diversifier les pratiques pour
qu’à un moment donné, tous les élèves
se retrouvent dans une qui leur
convienne. »
n
EC
EDUCATION
VIE SCOLAIRE
En pratique, un EPI prendra la forme d’un travail en groupe qui croisera plusieurs discipli-
nes et devra aboutir à la mise en place d’un projet incluant une réalisation concrète.
« Au sein de mon collège, la réforme a été pas mal
anticipée. Il y a beaucoup de travaux interdisciplinaires.
Cette façon d’enseigner est un moyen de raccrocher des
élèves en difficulté. On ressent le besoin de faire du lien
entre les matières, ça donne vraiment du sens.
L’interrogation que j’ai autour des EPI se situe sur
l’évaluation. On ne sait pas du tout sur quel principe cela va
se faire.
Aussi, cela risque d’être difficile pour les profs les plus
expérimentés, habitués à travailler seuls, alors que les
jeunes profs ont été formés à avoir en
tête que le métier n’était plus cloisonné.
Pour tout ça, cela risque d’être difficile
l’an prochain, qui va être une année de
transition. Il va falloir beaucoup
travailler. D’autant plus dans les collèges difficiles comme
le mien, qui sont des plaques tournantes d’enseignants où
l’équipe pédagogique change tout le temps, alors que les
EPI vont prendre naissance en premier lieu par l’affinité
professionnelle entre enseignants. »
Laure Bienvenu,
26 ans, enseignante de français au collège Gérard-Philippe, à Cergy-Pontoise (95)
« Un moyen de raccrocher des élèves en difficulté »