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Grand Témoin

Marie-Thérèse GEFFROY

En 2011, vous aviez donné une interview à la Voix des Parents

dans laquelle vous vous félicitiez que la question de l’illet-

trisme était de moins en moins méconnue. Qu’en est-il

aujourd’hui ?

Dans notre pays, on a une extrême difficulté à nommer ce

qui dérange. Or, pour lutter contre un problème, il faut le

nommer et voir la réalité en face. En France, l’illettrisme

concerne des gens ordinaires qui sont allés à l’école dans

notre pays et qui peuvent se sortir de cette situation. Si on

accepte de voir qui sont vraiment ces gens et sortir des pré-

supposés, on a gagné le premier combat.

Depuis quatre ans, on a beaucoup avancé. En 2013, par

exemple, l’illettrisme était la Grande cause nationale. Cela

ne nous a pas donné de moyens financiers mais un impor-

tant moyen d’information. Depuis 2014, il existe également

les Journées nationales de lutte contre l’illettrisme, autour du

8 septembre, la journée internationale de l’alphabétisation.

Il y a eu 160 manifestations dans le pays en 2014, et 303 en

2015 ! Cela entraîne un important retentissement dans les

médias.

Cette meilleure connaissance du problème a-t-elle déjà eu

des effets concrets ?

En 2006, nous avions réalisé notre première enquête, avec

l’INSEE. Il y avait alors 3.1 millions de personnes de 18 à 65 ans

touchées par l’illettrisme. En 2013, pour notre deuxième

enquête, il y en avait 2.5 millions, soit une baisse de 20 % !

C’est le résultat du travail, de l’organisation et des outils mis

en place par l’ANLCI et des partenaires. La prise de

conscience s’est faite dans les institutions, chez les partenai-

res sociaux et les entreprises (car la moitié des personnes illet-

trées ont un emploi).

Comment mieux prévenir l’illettrisme ?

Spontanément, on se dit que c’est le rôle de l’école. Ce

n’est pas à nous, l’ANLCI, de dire à l’Education nationale

comment apprendre à lire, écrire, compter. En revanche, on

observe qu’il y a des pratiques qui marchent et d’autres

moins. Des pratiques qui ont pu être raillées, comme la dic-

tée, fonctionnent très bien pour l’apprentissage de l’écriture

et de la lecture. On doit regarder les façons d’enseigner qui

fonctionnent et les élargir à tous les élèves.

Comment voyez-vous la suite de la lutte contre l’illettrisme ?

Je suis déterminée et optimiste. Il faut être conscient du fait

qu’il n’y a pas des gens qui savent et d’autres qui ne savent

pas. Il y a simplement des gens qui, à un moment donné,

n’ont pas pu ou peut-être pas voulu apprendre et il faut leur

donner une seconde chance.

Et on doit continuer à se battre pour dire que l’illettrisme

n’est pas l’apprentissage du français en langue étrangère.

Ce n’est pas la même chose. 71 % des personnes en situation

d’illettrisme parlaient français dans leur famille et ne sont pas

étrangères. Ce sont des gens qui sont dans une situation, et

non pas qui auraient une identité ou une nature à devenir

illettrés.

« On doit regarder les façons

d’enseigner qui fonctionnent et

les élargir à tous les élèves »

EDUCATION

VIE SCOLAIRE

www.peep.asso.fr

- numéro 389 - Janvier-février 2016

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Marie-Thérèse Geffroy, est

présidente de l’Agence

nationale de lutte contre

l'illettrisme (ANLCI).

Biographie

Marie-Thérèse Geffroy a d’abord été profes-

seur de lettres classiques, puis s’est engagée

dans la vie associative, politique ainsi que

dans la formation professionnelle avant de

devenir Inspectrice générale de l’Education

nationale. Elle est directrice de l’ANLCI dès

sa création, en 2001, puis présidente depuis

2012.