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Grand Témoin

Michèle Barzach,

présidente de l’UNICEF-France

Quelle est l’action d’UNICEF-France ?

Le combat de l’UNICEF se porte auprès du grand public et des

pouvoirs publics et a deux priorités : apporter la connaissance

de l’état des enfants dans le monde et plaider pour la collecte

de fonds pour agir sur la santé, l’éducation, la protection de

toutes les violences, sur des questions plus spécifiques comme,

actuellement, Ebola, et financer des urgences sur des pro-

grammes de développement d’autres pays.

Pourquoi l’UNICEF a-t-elle effectué cette étude ?

La lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale, l’éducation et le

droit à la participation des enfants sont le centre de notre plai-

doyer. Nous apportons alors des indicateurs permettant d’avoir

une photographie d’une situation et des enfants en France. A

travers une méthodologie fiable encadrée notamment par

Serge Paugam, on a voulu donner la parole aux enfants et sur-

tout aux adolescents, et fournir des éléments d’analyse et de

compréhension à leur situation en France.

Quels en sont les enseignements généraux ?

Tout d’abord, l’idée de privation. Elle touche 17 % des enfants,

et cette question devient plus importante à partir de 15 ans et

chez les enfants vivant dans une famille monoparentale et

dans un quartier insécurisant. Ce qui ressort est que cette situa-

tion entraîne l’exclusion sociale et un mal-être. L’étude démon-

tre également la prévalence des idées suicidaires et des

conduites addictives à un niveau inquiétant. La fragilité parti-

culière des filles ainsi que le poids important qu’ont pris les

réseaux sociaux dans les questions de harcèlement sont aussi

préoccupants. On a été frappé par le fait que les questions sur

les angoisses et les idées suicidaires sont très liées à la présence

sur les réseaux sociaux.

En quoi est-ce grave que l’école ne joue pas son rôle de « pro-

tection » et de « reconnaissance » ?

La consultation démontre que tout ce qui altère le niveau de

protection ou ne montre pas que l’enfant est valorisé a un rôle

très déséquilibrant voire amenant à la souffrance. Or, les chif-

fres montrent que les ados ont la forte angoisse de ne pas réus-

sir. C’est le résultat du modèle français très axé sur les résultats

et non sur le partage, ainsi que la conséquence de la pression

énorme que mettent les parents. Les élèves pensent qu’avoir

de bons résultats est le seul moyen pour s’en sortir. Le problème

est que les enfants qui sont le plus angoissés sont déjà les

enfants défavorisés qui n’ont pas les moyens d’avoir de bons

résultats, ce qui augmente les risques de souffrance psycholo-

gique… L’école ne joue pas son rôle d’égalité mais, au

contraire, son élitisme confirme les inégalités. Il y a un ensemble

d’éléments qui se conjuguent pour faire de l’école un lieu de

risques physiques et psychologiques.

Quelles sont les mesures à prendre pour que le constat s’amé-

liore ?

Ces éléments doivent obliger à une réflexion. Par exemple, il faut

sensibiliser les parents à conditionner l’usage du numérique selon

l’âge, les postures psychologiques… L’étude montre qu’il y a

énormément d’ados qui n’ont pas de contrôle parental : les

parents n’ont pas pris la mesure du poids des réseaux sociaux.

Les idées de suicide proviennent aux deux tiers de l’utilisation des

réseaux sociaux. Aussi, l’école est trop à côté des nouveautés

technologiques. Et ce n’est pas normal que l’Education natio-

nale soit le plus gros budget, que nul autre pays ne dépense

autant que la France pour cela et que la politique dysfonc-

tionne. Une école avec autant de souffrance et d’inégalités,

c’est qu’il y a un problème. Il faut apprendre à écouter les jeu-

nes, à les accompagner, à reconsidérer la qualité du lien social.

Tout cela fait beaucoup de points négatifs : y a-t-il tout de

même de l’espoir ?

Bien sûr ! C’est déjà important d’avoir pu récolter toutes ces

informations. Et puis, pour faire un bon traitement, il faut le bon

diagnostic ! Mais il ne faut pas mettre dix ans pour le prescrire !

« Apprendre à écouter les

jeunes, à les accompagner »

EDUCATION

ZOOM

www.peep.asso.fr

- numéro 383 - Novembre-décembre 2014

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Médecin gynécologue

et

psychanalyste,

Michèle Barzach (née

en 1943 à Casablanca,

Maroc) fut ministre de

la Santé et de la

Famille de 1986 à 1988

dans le gouvernement

de Jacques Chirac.

Elle est notamment connue pour ses combats pour le statut des fem-

mes et contre les discriminations. Elle a tenu de nombreuses fonctions

bénévoles dans les domaines de la santé, de la recherche ou du

développement durable dans des organisations telles que

L’Organisation mondiale de la Santé ou la Banque Mondiale (au

département Santé, Nutrition et Population). Le 5 juin 2012, elle suc-

cède à Jacques Hintzi à la présidence de l’UNICEF-France.

Unicef / William Daniels