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DOSSIER

LAÏCITÉ ET « VIVRE ENSEMBLE » À L’ÉCOLE

profond de la laïcité et du vivre-ensemble à

l’école.

« Même si les contestations sont mar-

ginales,

explique Sébastien Sihr, secrétaire

général du Snuipp, syndicat enseignant majo-

ritaire dans le primaire,

il faut les prendre très

au sérieux parce qu’elles montrent une école

fracturée où une partie de la jeunesse,

notamment celle qui vit dans la ségrégation,

ne se reconnaît plus dans les valeurs de la

République. » « Si entendre que l’école a failli

laïcité ont vu le jour à l’école : refus de faire

certaines activités sportives, d’étudier certains

textes, exigence pour les repas servis à la can-

tine… C’est pourquoi, le 9 septembre 2013,

Vincent Peillon, alors ministre de l’Education

nationale, a présenté la Charte de la laïcité

qui « explicite le sens et les enjeux de la laï-

cité », délimite la liberté d’expression et pro-

pose des ressources pédagogiques. Mais les

incidents dans les écoles après les attentats

de janvier ont mis en lumière un problème plus

www.peep.asso.fr

- numéro 385 - Mars-avril 2015

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(suite page 22)

Jean-Louis AUDUC.

Auteur de manuels scolaires et d’ouvrages concernant l’éducation à la citoyenneté, la

laïcité et les relations parents-enseignant, Jean-Louis Auduc dirige également le comité de réflexion et d’études sur

les relations familles-école, mis en place par la PEEP en novembre dernier.

Pourquoi l’éducation civique n’est-elle enseignée

que de « façade », pour reprendre les termes du

Cnesco ?

A partir du moment où les différents ministres

expliquent que l’éducation civique ne concerne que les

élèves des milieux défavorisés, l’éducation civique ne

peut pas être diffusée. Le message que l’on donne ainsi

aux enseignants est : « Si je n’ai pas d’élèves

défavorisés, je n’ai pas à enseigner l’éducation civique ».

De plus, l’éducation civique serait la seule chose de

l’enseignement qui serait innée pour les enseignants,

puisqu’il n’y a pas de formation spécifique ! Si on veut

que ce soit réel, il doit y avoir une épreuve d’éducation

civique dans les concours de recrutement. Car,

aujourd’hui, les enseignants sont souvent démunis face

à des problèmes hyper complexes. Il y a un problème

avec la formation initiale, mais le défaut de la formation

française est surtout la quasi-absence de formation

continue. Un enseignant peut rester vingt ans sans

recevoir de formation. Je suis pour qu’un enseignant

reçoive au moins une semaine de formation tous les

deux ans.

Comment expliquez-vous les incidents dans les

écoles autour de la laïcité ?

L’école a perdu de son magistère. Il y a une

interrogation sur ce qu’a à enseigner l’école. Elle a

perdu de sa légitimité car certaines familles ne font pas

la différence entre les savoirs, les croyances et

l’opinion. L’école n’a pas

assez communiqué avec les

familles les plus éloignées

d’elle, qui pensent alors

que l’école va à l’encontre

de leurs convictions. Aussi,

il est de plus en plus

difficile d’étudier la laïcité

car la laïcité française repose sur la séparation de

l’espace public et de l’espace privé. Or, aujourd’hui,

pour bon nombre de jeunes, cette séparation ne fait

plus sens. Moi, petit, j’avais un journal intime que je

planquais sous mon lit. Aujourd’hui, c’est Facebook… A

l’heure de la vie virtuelle, expliquer les différences entre

l’intime, le secret et le privé devient difficile car il y a

une confusion des espaces.

Que faudrait-il faire ?

Un des enjeux est de créer une véritable communauté

éducative. Il y a un travail à faire avec les familles en

insistant bien sur l’idée que l’école ne s’occupe pas de

leur espace privé. L’école est un espace public, laïque,

de savoirs, qui doit donner un sentiment commun

d’appartenance. L’école doit avoir une communication

de vulgarisation, accueillir les parents, expliquer ce qu’il

se passe à l’école. On pourrait aussi réfléchir à un code

de déontologie des enseignants, ce qui renforcerait leur

autorité et ramènerait de la confiance. Il faut une école

rassurante et non angoissante.

« Certaines familles ne font pas la

différence entre les savoirs,

les croyances et l’opinion »