numéro 396 - Mai-juin-juillet 2017 -
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alerte-t-il.
Dans la phrase, « Longtemps,
je me suis couché tôt », le mot « long-
temps » fait partie intégrante du prédi-
cat car si on le retire, on change com-
plètement le sens de la phrase. Le ris-
que, c’est que les enseignants de pri-
maire se limitent à l’étude de phrases
basiques qui n’aideront les élèves ni à
lire, ni à écrire, ni à penser ».
Des parents désorientés
Depuis, la polémique est passée et les
tensions se sont apaisées. Mais sur le ter-
rain, la notion de prédicat n’a pas
encore atteint tous les élèves de cycle
3. Si de nombreux enseignants de pri-
maire l’ont intégrée à leur enseigne-
ment sans que cela ne pose de pro-
blème particulier, tous ne l’ont pas fait,
parfois par conviction mais le plus sou-
vent par méconnaissance ou par man-
que de formation. Car, parmi les ensei-
gnants, rares sont ceux qui maîtrisent
cette notion et la manière de l’ensei-
gner aux élèves. Les manuels ne l’abor-
dent pas encore. Quelques vidéos à
visée pédagogique existent bien sur
Internet, mais elles sont peu nombreuses
et pas toujours mises en avant. Quant à
la formation initiale et continue, il faudra
plusieurs années pour qu’elle atteigne
tous les enseignants.
Mais si le prédicat soulève autant de
passions, c’est peut-être surtout parce
qu’il remet en cause des décennies
d’apprentissage et qu’il déboussole une
bonne partie des parents. Alors que jus-
que-là ils pouvaient venir en aide à leur
enfant pour repérer le COD ou le COI et
accorder le participe passé ; avec le
prédicat, c’est plus compliqué. Ils se
retrouvent ainsi privés d’une partie de
leurs prérogatives. Le changement est
d’autant plus important que le prédicat
n’est pas le seul changement institué
par la réforme. Celle-ci prévoit aussi
l’abandon des termes « compléments
circonstanciels » de temps ou de lieu,
pour les regrouper sous l’appellation
unique de « complément de phrase ».
Un niveau en baisse
Il est encore trop tôt pour dire quel sera
l’impact réel de cette nouvelle réforme
sur la maîtrise par les élèves de la gram-
maire. Mais une chose est sûre : il y a
urgence à changer les choses. Selon la
dernière enquête « Les performances
en orthographe des élèves en fin
d’école primaire » menée par la
Direction de l’évaluation, de la pros-
pective et de la performance (DEPP) de
l’Education nationale (note d’informa-
EDUCATION
VIE SCOLAIRE
Une majorité de linguistes a pris fait et cause pour le prédicat. Selon eux, la notion de
complément d’objet est trop compliquée à appréhender par des élèves de primaire…
Francette Popineau,
co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat d’enseignants
du primaire Snuipp
« La majorité des collègues a intégré les nouveaux
programmes à leur enseignement. D’une part parce que
c’est leur rôle et d’autre part parce qu’il est important
que tous les enseignants de France s’appuient sur une
base commune. Beaucoup trouvent d’ailleurs dans le
prédicat un outil intéressant pour appréhender plus
globalement la construction de la phrase avant
d’aborder des notions plus complexes, comme les
compléments d’objet. Les enseignants l’adaptent à leur
pédagogie. Certains n’utilisent même pas le mot
« prédicat », préférant parler de « groupe fort ». Mais le
gros souci, c’est la faiblesse de la formation initiale et
l’absence de formation continue et de supports qui
obligent les enseignants à s’approprier par eux-mêmes
les nouveaux programmes, sans être certains que tout
ne sera pas remis en cause dans quelques mois. »
« Les enseignants se sont appropriés
par eux-mêmes les nouveaux programmes »