- numéro 386 - Mai-juin-juillet 2015
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Ces dispositions visent aussi à éviter que
des entreprises ne recrutent des stagiai-
res dans l’unique but de profiter d’une
main d’œuvre bon marché, quitte à
recruter un nouveau stagiaire dès que
le précédent s’en va. Alors qu’elle était
en stage chez un éditeur d’ouvrages
parascolaires, Pauline avait été victime
de ce système :
« Mon maître de stage
m’avait fait comprendre que j’avais
une chance d’être embauchée. J’ai
été très motivée. Mais à la fin de mon
stage, on m’a annoncé que c’est un
autre stagiaire qui allait me remplacer,
car il n’y avait pas assez de budget pour
créer un poste… »
.
Autre nouveauté imposée par la loi, un
stagiaire ne peut plus rester plus de 6
mois consécutifs dans un même orga-
nisme. Les établissements scolaires ont
eux aussi de nouvelles obligations. Ils
sont désormais tous tenus d’aider leurs
élèves à décrocher des stages en
recensant les offres disponibles et en les
préparant aux entretiens d’embauche.
Par ailleurs, la loi entend limiter le nom-
bre de stagiaires dans les entreprises
grâce à un plafond basé sur la masse
salariale. Les employeurs s’exposent à
une amende de 2 000 euros par sta-
giaire surnuméraire.
Des droits renforcés
La loi du 10 juillet 2014 renforce par ail-
leurs les droits des stagiaires au sein de
l’entreprise. Plus question de rendre ces
derniers corvéables à merci. Désormais,
chaque stagiaire doit figurer sur le regis-
tre unique du personnel au même titre
que les autres salariés et son temps de
présence dans l’entreprise doit être pré-
cisé dans la convention de stage. Celui-
ci ne peut pas être supérieur à celui des
autres salariés. La loi prévoit aussi un ren-
forcement des contrôles de l’Inspection
du travail et accorde aux prud’hommes
un délai maximum d’un mois pour traiter
les demandes de requalification des
stages abusifs en contrat de travail. Les
stagiaires bénéficient enfin de la même
protection contre le harcèlement moral
et sexuel dans l’entreprise que les autres
salariés, ce qui n’était pas le cas jusque-
là…
Outre l’intérêt des tâches effectuées et
la quantité de travail réalisée, les sta-
giaires déploraient aussi leur faible
rémunération.
« Il est quasiment impossi-
ble de vivre décemment à Paris avec
un salaire de stagiaire »
, se désolait il y a
quelque temps l’un d’entre eux sur un
forum Internet. Sur ce point aussi, la loi a
quelque peu changé la donne. Le seuil
de rémunération est désormais fixé à
479,50 euros, soit une augmentation de
43,50 euros par rapport à ce qui se pra-
tiquait jusque-là. Cette gratification
minimale passera à 523 euros par mois à
compter du 1
er
septembre 2015. Certes,
on est encore loin d’un vrai salaire. Par
ailleurs, cette gratification ne sera obli-
gatoire que pour les stages de plus de
deux mois alors que le mouvement
Génération précaire souhaitait qu’elle
soit versée dès le début du deuxième
EDUCATION
VIE SCOLAIRE
Les nouvelles
mesures de la
loi du 10 juillet
2014 sont cen-
sées mettre un
terme aux abus
(quand le sta-
giaire est une
main d’œuvre
bon marché) et
aux
stages
« photocopies »
(sans réel inté-
rêt pour le sta-
giaire), encore
trop fréquents.
(suite page 16)
Philippe,
professeur dans un lycée professionnel à Nantes (44)
« Si les nouvelles mesures vont dans le bon sens, le
succès d’un stage dépend surtout de la bonne
coordination entre l’entreprise et l’enseignant-référent.
Avant chaque stage, je rencontre le patron de
l’entreprise et le tuteur afin de les briefer sur le profil
de l’élève et sur ce que j’attends d’eux. Ensemble, nous
précisons les tâches que le stagiaire devra accomplir et
les connaissances qu’il devra acquérir. C’est à cette
condition que le stage sera vraiment profitable pour
l’élève. La validation, qui a lieu à la fin du stage de
deuxième année, se fait elle aussi en concertation. Le
tuteur et moi vérifions que l’élève a bien acquis ce qui
devait l’être, puis nous remplissons une grille
d’évaluation et nous discutons afin de lui mettre une
note correspondant à sa valeur. Avec une bonne
préparation et un bon suivi, les dérives sont rares. »
« La coordination est la clé du succès »