Grand Témoin
Jean-Pierre Archambault
Quels sont, selon vous, les « statuts éducatifs » de l’informati-
que ?
Jean-Pierre Archambault : Lorsque l’on évoque le numérique
à l’école, on pense avant tout à l’utilisation des outils informa-
tiques dans le cadre des apprentissages. Mais le numérique
est aussi présent sous d’autres formes. Il est intégré aux pro-
grammes des disciplines qui évoluent, comme les sciences
expérimentales avec la simulation et les enseignements tech-
niques ou professionnels. Il est un outil professionnel utilisé par
l’Education nationale, par exemple pour gérer la paie ou
assurer la communication avec les équipes ou les parents.
L’immense majorité des enseignants se servent enfin de l’infor-
matique pour préparer leurs cours. Qui plus est, l’informatique
est en train de redevenir une discipline scolaire à part entière.
En quoi, selon vous, apprendre l’informatique aux élèves est-
il essentiel ?
J-P.A : Faire de l’informatique une discipline à part entière cor-
respond aux missions de l’école, à savoir former l’homme, le
travailleur et le citoyen. Les jeunes d’aujourd’hui seront de
plus en plus amenés à utiliser l’informatique dans leur vie pro-
fessionnelle. Cela permettrait aussi de faire naître des voca-
tions et inciter des élèves à se tourner vers des métiers dont la
société aura de plus en plus besoin. Enseigner l’informatique
et le numérique participerait enfin à former les citoyens en
donnant aux jeunes les clés pour participer pleinement à la
vie de la société et comprendre les enjeux de demain qui
seront de plus en plus liés au numérique.
Pour autant, il semble compliqué de donner à l’informatique
toute la place qu’elle mérite à l’Ecole. Quels en sont selon
vous les principaux freins ?
J-P.A : Concernant les usages, la maintenance des matériels
pose
encore
problème même
si la situation
s’améliore.
La
connexion des
établissements
en très haut-débit
est aussi insuffi-
sante. Mais le
principal frein à mes yeux, c’est le manque de formation des
enseignants. Former, cela coûte, mais c’est un investissement
indispensable pour l’avenir du pays. Trop longtemps différée,
la formation des enseignants doit être mise en œuvre dans les
plus brefs délais en créant un Capes et une agrégation d’in-
formatique, voire des Capes et agrégations bivalents, des
certifications dans les ESPE pour les professeurs des écoles, des
habilitations du type ISN...
Il est grand temps que les intentions se transforment en actes.
Il est urgent de ne plus attendre, comme le dit l’Académie
des sciences dans son rapport. Le travail est énorme, mais il
faut que le gouvernement fixe un cap et accélère la montée
en charge.
Où en est l'action que vous menez depuis des années pour
l’utilisation des logiciels libres ?
J-P.A : Ils s’imposent de plus en plus au niveau des infrastructu-
res et de l’administration de l’Education nationale, mais ils
sont encore trop peu utilisés en classe et plus généralement
dans la société. Pourtant, sensibiliser les élèves aux logiciels
libres permettrait de leur donner un pluralisme technologique
plus que jamais nécessaire. Et il y a un lien naturel entre l’en-
seignement de la science et technologie informatique et l’ac-
cès au code source.
DOSSIER
EN ROUTE POUR L’ÉCOLE 2.0
www.peep.asso.fr- numéro 384 - Janvier-février 2015
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Professeur agrégé de mathématiques, Jean-Pierre Archambault a créé puis coordonné le pôle de
compétences « logiciels libres » du SCÉRÉN. Il est aujourd’hui président de l’association Enseignement
Public et Informatique (EPI). Il est aussi membre du conseil d’administration de la Société
Informatique de France (SIF) et co-responsable du groupe ITIC-EPI-SIF.
« Il est grand temps que les
intentions se transforment
en actes ! »
Jean-Pierre Archambault est président de
l’association Enseignement Public et
Informatique (EPI).