aucun sens, j’ai néanmoins décidé d’en-
seigner ces notions dans leur déroulé
chronologique plutôt que par des
regroupements thématiques. J’avais
remarqué que mes élèves, n’étant pas
tous de grands intellectuels, s’en sor-
taient mieux au bac, et dans les
concours post-bac, par l’apprentissage
des auteurs du programme plutôt que
par une approche thématique. J’ai
donc reconstruit mon cours en m’inspi-
rant de la méthode du Lagarde et
Michard, qui a fait largement ses preu-
ves dans le domaine littéraire. Ce type
d’approche est plus formateur pour
l’apprentissage d’une culture fonda-
mentale. Dans le cadre de cette expé-
rience, j’ai pu constater avec bonheur
que mes élèves en redemandaient. Non
seulement ils réussissaient mieux au bac
et dans leurs études supérieures, mais ils
étaient avides de continuer à philoso-
pher. »
La philo pour tous ?
A l’inverse de Platon, qui pensait qu’on
ne devait pas commencer la philoso-
phie (qu'il appelle plutôt la « dialecti-
que ») trop jeune, parce que c’est dan-
gereux – et pour qui 30 ans était le bon
âge –, la question se pose régulièrement
d’étendre l’enseignement de la philoso-
phie aux élèves de 1
re
, voire aux élèves
de seconde, comme le souhaiterait
Cécile Moreno, professeur de philoso-
phie en région parisienne.
« Le problème
général et concret de certains élèves en
philosophie est leur difficulté de maîtrise
du français et leur manque d’assurance
face à l’exercice de la dissertation. En 1
an, on attend une rentabilité de la
matière, mais c’est très complexe
quand on ne maîtrise pas les outils d’ex-
pression. Si vous avez des difficultés à
conjuguer au présent de l’indicatif au
collège, comment voulez-vous étudier
un texte de Kant ou de Platon quelques
années plus tard ? Il faut très tôt les
confronter à la dissertation, spécialité
française, et que cela devienne un
geste familier. Beaucoup en terminale
ont peur car ils ne savent pas ce qu’est
une problématique. »
Et, malgré leur manque d’assurance,
cette professeur passionnée et investie
constate chaque année un vrai appétit
des jeunes générations pour la philoso-
phie, qui plus est en terminale technolo-
gique de ZEP où ses élèves ont obtenu
entre 10 et 18 au bac.
« Ils sont très
ancrés dans le concret et ont cette
capacité à poser un raisonnement perti-
nent. A nous d’aider toute cette jeune
EDUCATION
VIE SCOLAIRE
numéro 384 - Janvier-février 2015 -
www.peep.asso.fr6
Au bac, le coefficient de l’épreuve de philosophie est de 7 pour la série L, 4 pour la série
ES, 3 pour les S et 2 pour les séries technologiques.
Simon Perrier,
professeur de philosophie au lycée Marceau de Chartres et président de
l’APPEP (Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public)
Pourquoi cette spécificité historique française ?
La France l’emporte historiquement parce que la
philosophie a été installée dans les lycées très tôt au 19
e
siècle comme étant l’achèvement des études secondaires.
L’enseignement de la philosophie achève tous les savoirs
reçus par l’école en leur donnant une unité, une vision de
la vie, une vision du monde, une vision de l’existence.
C’était l’idéal du 19
e
siècle.
A-t-elle acquis tout de suite sa réputation
d’ « épreuve-reine » du bac ?
C’est même par ce fait-là qu’elle l’est devenue. D’ailleurs
l’expression qu’on trouve chez des profs de philosophie
du 19
e
siècle c’est « reine des sciences, sciences des
sciences ». C’est elle qui fait de tous les savoirs, un savoir
qui permet d’avoir une
compréhension du monde dans sa
totalité. N’exagérons rien, mais c’est
comme ça qu’ils le concevaient.
Quelle est la notion qui intéresse le plus les élèves ?
Il y a évidemment des sujets plus faciles, tout ce qui est
existentiel, tout ce qui va leur apparaître plus
immédiatement engager la vie personnelle et avoir des
résonances très concrètes les touchent plus rapidement,
mais cela ne veut pas dire que l’on n’arrive pas à leur
montrer qu’il faut aller plus loin. Que la question du
bonheur engage celle de la vérité par exemple, la vérité
c’est une notion plus austère a priori, mais il y a un lien
entre les deux.
« La philosophie donne une vision de la vie »