numéro 391 - Mai-juin-juillet 2016 -
www.peep.asso.fr6
cice de discernement du professionnel
sur la conciliation entre le souhaitable et
le possible pour chaque élève en fin
d’année »
. On le voit, le redoublement
cristallise depuis longtemps un clivage
droite/gauche, mais au-delà du débat
politique qu’il provoque, que représente
le redoublement sur le terrain ? A-t-il des
vertus pédagogiques ou conduit-il au
décrochage scolaire sur le long terme ?
Le redoublement,
une stigmatisation ?
Si le taux de redoublement demeure
encore élevé en France, la plaçant au
5
e
rang sur 35 pays de l’OCDE, il a tout
de même nettement régressé au cours
de la dernière décennie (11 points de
moins, selon les enquêtes PISA 2003 et
2012). Cette diminution a été initiée
depuis le début des années 1990, sous
l'impulsion des recteurs et des inspecteurs
de l'Education nationale. Ainsi, alors
qu’en 1993, près de la moitié des élèves
de troisième avait déjà redoublé (46 %), il
n’étaient plus que 24 % dans ce cas en
2013. Quelle évolution par rapport à son
utilisation massive dans les années 60 où
22,1 % des élèves de CP et 52 % des élè-
ves de CM2 – soit plus de la moitié –
étaient en retard !
Concernant ces redoublements préco-
ces, Christian Forestier, inspecteur géné-
ral de l'Education nationale, ancien pré-
sident du Haut Conseil de l'évaluation de
l'école, va jusqu’à parler de « véritable
génocide pédagogique ». Car selon lui
« un élève qui redouble au cours prépa-
ratoire ou au cours élémentaire première
année a près d'une chance sur deux de
sortir de l'école dix ans plus tard sans
diplôme »
, écrit-il dans son ouvrage
« Que vaut l'enseignement en France ? »
(éd. Stock). Aujourd’hui, l’Education
Faut-il conjuguer
(re)dou
Après avoir fait tremblé des
générations d’élèves, le
(re)doublement ne doit plus être
désormais qu’une décision
« exceptionnelle », car jugé inefficace.
Décision justifiée ou fausse bonne
idée ?
L
a France, dans le peloton de tête
des pays européens, avec
l’Espagne, en matière de (re)dou-
blement. Une situation qui devrait
évoluer : en effet, depuis la rentrée 2015,
cette décision doit demeurer « excep-
tionnelle », possible dans seulement deux
cas précis et « après accord écrit des
parents ». Le Journal officiel du 20
novembre 2014 a publié le décret limi-
tant le redoublement à deux cas de
figure : une interruption de la scolarité
(par exemple une période de maladie)
ou le refus d'orientation en 3
e
et en
seconde. Si l’Education nationale pré-
cise que le redoublement n’est pas sup-
primé, mais doit être l’exception comme
le prévoit la loi de refondation de l’Ecole,
c’est tout de même la fin d’une pratique
traditionnelle française.
Le redoublement, un vieux débat
A l’inverse, la loi d’orientation du 23 avril
2005 sur l’avenir de l’école, dite loi Fillon,
avait légitimé cette pratique pour cha-
que classe et plus seulement en fin de
cycle. Si pour l’actuelle ministre de
l’Education nationale, Najat Vallaud-
Belkacem,
« cela fait des années qu'il est
avéré que le redoublement est assez
inefficace pédagogiquement parlant,
qu'il est démotivant pour les élèves et par
ailleurs qu'il est coûteux »
, pour François
Fillon il s’agissait à travers le redouble-
ment de
« reconnaître à l’enseignant son
rôle d’expert à l’égard de l’élève. Non
pas un pouvoir de sanction mais l’exer-
EDUCATION
VIE SCOLAIRE
Le redoublement : une deuxième chance pour certains, une démotivation pour d’autres… mais
tous s’accordent à croire qu’il faut avant tout accompagner les élèves à combler leurs lacunes.