- numéro 389 - Janvier-février 2016
33
MAGAZINE
EN FAMILLE
A partir de ce moment, il suffisait que
quelqu’un poste un commentaire sur Fa-
cebook pour que les messages haineux
pleuvent. Mon petit ami aussi a en reçu.
On lui demandait ce qu’il faisait avec une
fille comme moi. J’avais l’impression de
jouer à un jeu dont je ne connaissais pas
les règles. J’ai bien essayé d’en parler à
mes parents, mais ils ne m’ont pas prise au
sérieux. »
Anxiété, isolement, mal au ventre, perte
de sommeil, baisse des résultats scolaires,
dépression… Les conséquences du cy-
berharcèlement sont nombreuses. Selon
certaines études, la peur de se retrouver
face à ses agresseurs expliquerait à elle
seule 25 % de l’absentéisme des collé-
giens et des lycéens.
Parfois, le cyberharcèlement vire même
au drame. En 2013, le suicide d’une ado-
lescente de 17 ans avait marqué les es-
prits. Elle avait fait l’objet pendant des
mois d’une violente campagne de déni-
grement suite à la publication sur les ré-
seaux sociaux de photos la montrant ivre
lors d’une soirée. Si le cyberharcèlement
peut pousser certains vers de tels extrê-
mes, c’est qu’il ne s’arrête jamais. Avec
la généralisation des ordinateurs et des
smartphones, les victimes sont confron-
tées à leurs agresseurs du matin au soir, y
compris lorsqu’elles se retrouvent chez el-
les, créant un sentiment d’insécurité per-
manent particulièrement destructeur.
« A
chaque fois que j’allumais mon PC ou
que je consultais mon téléphone, je me
demandais ce que j’allais y découvrir »
,
témoigne Chloé, une ancienne victime.
une fatalité !
(suite page 34)
Dr Hélène Romano,
docteur en psychopathologie, auteure de « Harcèlement en milieu
scolaire » et de « Ecole, sexe et vidéo » (éd. Dunod)
« Si le harcèlement est toujours violent, il l’est encore
plus lorsqu’il a lieu sur Internet car le fait de se
retrouver derrière un écran ôte toute barrière
empathique. Beaucoup de jeunes harceleurs n’auraient
jamais insulté un autre élève s’il avait été en face d’eux.
L’impact varie aussi en fonction de la personnalité du
harceleur. S’il s’agit d’un jeune connu pour sa violence,
c’est difficile à vivre pour la victime, mais il y a une
certaine logique. Mais il n’est pas rare que lorsque
l’agresseur est l’ancien(ne) meilleur(e) ami(e), le choc
s’avère très violent. Comme la politesse
ou l’hygiène, les parents doivent
apprendre dès le plus jeune âge à leurs
enfants à maîtriser les écrans, leur expliquer qu’ils ne
peuvent pas tout faire sur Internet. Ils doivent aussi
prendre le temps de discuter avec eux quand ils en ont
besoin, car beaucoup de jeunes, à peine rentrés chez
eux, s’enferment dans leur chambre et se retrouvent
seuls face à la mésestime qu’ils ont d’eux-mêmes et à
leurs angoisses. »
« L’écran ôte toute barrière empathique »
Des mesures pour limiter
le phénomène
Face à ce fléau, le ministère de l’Educa-
tion nationale a intégré en 2015 la ques-
tion du cyberharcèlement au pro-
gramme d’enseignement moral et
civique. Une journée nationale de mobi-
lisation contre le harcèlement a été dé-
Ordinateurs, tablettes, smartphones… La multiplication des outils numériques augmente les ris-
ques d’être confronté à une situation de cyberviolence.