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- numéro 381 - Mai-juin-juillet 2014

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MAGAZINE

EN FAMILLE

sport (26 %), mais également à la pau-

vreté du vocabulaire employé dans ces

émissions. A peine 600 mots différents en

moyenne contre 1 000, par exemple dans

une bande dessinée, et 27 000 dans les

manuels scolaires.

Même si selon la même étude ce sont les

filles qui sont à 80 % accros à la télé-réa-

lité, Samy, 14 ans reconnaît l'être égale-

ment et ce depuis ses 5-6 ans quand il re-

gardait les premiers Secret Story avec sa

mère et sa tante. Pour lui, Nabilla est un

exemple de réussite et Les Anges de la

télé-réalité, prioritaire sur ses devoirs. Cet

emploi du temps est d'ailleurs souvent à

l'origine de disputes avec sa mère qui dé-

plore cet isolement, cette bulle dans la-

quelle s'enferme son fils.

« Je trouve qu'il

sort de la vie quotidienne, il est complète-

ment ailleurs. Il est tellement accro que j'ai

peur qu'il passe à côté de ses études. »

Pour Samy, certes ses devoirs passent

après mais il s'agit ni plus ni moins que

d'un moment de détente après le col-

lège.

« Vers 18h-19h j'ai pas envie de sortir,

juste envie de rester devant la télé. De

toute façon dans ma classe, tout le

monde regarde et on en parle le lende-

main à la récré en reprenant leurs expres-

sions. On reproduit ce qui s'est passé dans

l'épisode visionné. Même les profs disent

que je joue un rôle. »

Ou comment passer

de la simple détente à l'identification.

Même s'il reconnaît les limites de ce star

system éphémère il se verrait tout de

même bien participer à une télé-réalité

musicale si on le lui proposait.

« Franche-

ment les Chtis, les Marseillais... pour moi

c'est ridicule même si je regarde. C'est le

principe de la télé-réalité, tu critiques mais

tu regardes. »

Preuve que Samy a du se-

cond degré mais il n'en demeure pas

moins un fervent défenseur des partici-

pants de ces shows. Et face à sa mère, le

sujet révèle l'incompréhension…

Un exutoire à cadrer

Alors immaturité, différence de généra-

tion ou simple provocation classique

d'adolescent ? Etre né à l’ère de la télé-

réalité (début des années 2000) est-il for-

cément gage d'addiction ? Il est évident

que les parents d'aujourd'hui, nés avant

pour nos ados ?

(suite page 34)

Les ados sont-ils des cibles

faciles pour les diffuseurs ?

Aujourd'hui c'est facile de concevoir

ce type de programmes car on sait

que cela marche et que cela peut

couvrir une grille importante. Il ne

tient qu'aux diffuseurs d'étoffer la

diversité de leur offre pour proposer

autre chose. Si elles permettent de se

détendre rapidement au retour de

l'école, du collège ou du lycée, ces

émissions sont aussi en lien direct

avec les réseaux sociaux et cette

quête effrénée de popularité.

Regarder “les Anges” les socialise

car le lendemain ils vont en reparler

avec leurs copains.

Y a-t-il un risque d'être « accro » ?

Ces émissions vont prôner souvent

l'idée de la manipulation et de la

fourberie comme moyens d'arriver à

ses fins. Le message et les valeurs

véhiculés sont dangereux pour des

jeunes en pleine construction. Ces

ados sont persuadés d'avoir compris

comment manipuler le système et à

leur tour devenir célèbre

rapidement. Certains échafaudent

même des stratégies marketing à la

Nabilla sans même penser à un plan

B et donc aux études.

Que peuvent faire les parents ?

Il y a toujours l'ambivalence des

parents car d'un côté ces

programmes dérangent et de l'autre

ils sont rassurés de trouver leur ado

à la maison après l'école. Je conseille

de limiter fortement ce type de

programmes

ou dans la

mesure du

possible de

prioriser la vie

de l'ado et ses

études par rapport à la télé-réalité.

La question du dosage est

importante car pour certains ados on

en est au stade du conditionnement.

Et puis il faut questionner son ado

sur ce qu'il regarde, créer un

dialogue au sujet de ce qu'il voit et

comprend de cette fiction. Les

établissements scolaires devraient,

eux, faire de la prévention et créer

des débats car c'est un phénomène

qu'il ne faut pas prendre à la légère

d'autant qu'il s'agit de jeunes qui

sont nés avec la télé-réalité.

« La question du dosage est importante »

Stephan Dehoul,

psychologue spécialiste des adolescents et des médias

(www.psychologue-reims.fr)