EDUCATION

Le dispositif « Devoirs faits » en ordre de marche

HD-399---devoirs-4-SIPADepuis la rentrée des vacances de la Toussaint 2017, le dispositif « devoirs faits » est mis en place dans les collèges pour accompagner les élèves à faire leurs devoirs. Un temps d’étude gratuit qui doit permettre à l’élève de travailler individuellement, avec la possibilité d’être aidé, notamment sur les méthodologies de travail.

-

Rentrer à la maison « devoirs faits », tel est le nouveau quotidien des collégiens qui bénéficient du dernier dispositif mis en place par le ministère de l’Éducation nationale. Objectif affiché : contribuer à la réduction des inégalités qui peuvent exister selon le niveau d’aide que les familles sont à même d’apporter à leurs enfants. Ce temps dédié au travail personnel de l’élève est organisé dans des modalités fixées par chaque établissement en dehors des heures de classe. De fait, les collèges ont chacun adapté cette nouvelle responsabilité qui leur incombe de façon différente. Les collèges ont de plus, librement défini les horaires appropriés en fonction de différents paramètres.

« Devoirs faits » s’adresse ainsi à tous les collégiens, du moment qu’ils sont volontaires. Au sein du collège Simone Veil de Montpellier, classé en REP (réseau d’éducation prioritaire), c’est le soir qui a été privilégié. « Nous avons mis en place une interface sur le site du collège pour que les parents qui le souhaitaient puissent inscrire leurs enfants, explique Jean-Pierre Flatry, principal adjoint. Devoirs faits se déroule sur deux temps : de 16h15 à 17h15 et de 17h15 à 18h15. Cela ne posait pas de problème en termes de transports scolaires, car nous avons une population qui vient pour la très grande majorité à pied ».

À Lautrec dans le Tarn, en revanche, impossible d’opter pour ces horaires de fin de journée. « Nous sommes un collège rural avec 90 % de nos élèves qui prennent les transports scolaires. C’est un paramètre qui s’imposait. C’est donc sur la pause méridienne que nous organisons « devoirs faits ». Ce serait très difficile de décaler l’horaire de départ des bus. Ils partent dans la campagne et ont plus d’une heure de circuit pour desservir tous les petits hameaux. Les élèves rentrent déjà vers 18h15 chez eux, ce qui est déjà relativement tard », appuie François Driay, principal du collège de cette commune de 4500 habitants.

 

HD-399---devoirs-3-SIPARendre les collégiens plus autonomes

Le slogan « Devoirs faits » pourrait inciter à croire que les collégiens rentrent désormais à la maison sans aucun travail à effectuer sous la surveillance des parents. Or, si l’objectif premier du dispositif est bien, comme son nom l’indique, que les élèves effectuent les devoirs demandés par les professeurs, tout travail personnel à la maison ne cesse pas pour autant ! « Un temps de travail personnel d’approfondissement ou de lecture à la maison peut s’avérer nécessaire », précise le vademecum ministériel fourni aux principaux de collège (à retrouver ICI en intégralité), qui poursuit : « le suivi des apprentissages de l’élève par sa famille demeure indispensable pour le progrès des élèves ».

Et au-delà du principe « devoirs faits », le dispositif a aussi pour but que l’élève développe son autonomie : « questionner les démarches proposées, interroger ses propres méthodes, mettre à l’essai ce qu’il a compris, réinvestir les apprentissages tout en bénéficiant, au besoin, de l’accompagnement de professionnels aptes à lui apporter toute l’aide nécessaire ».

 

Méthodologie

Au collège Les Portanelles de Lautrec, les collégiens sont justement accompagnés pour mieux organiser leurs devoirs à la maison. « Nous nous sommes rendu compte que les élèves n’avaient souvent aucune idée de comment s’organiser, explique le principal. Nous avons des collégiens qui font beaucoup de travail à la maison de façon très inefficace. Ils ne savent pas comment apprendre une leçon d’histoire qui se fait différemment d’apprendre une liste de vocabulaire en anglais, ou d’avoir bien compris un principe mathématique. Nous souhaitons donner les méthodes pour arriver à devenir autonomes dans la réalisation de leur travail personnel. Durant la première séance, les élèves ont répondu à un questionnaire que nous avons créé sur leur façon de travailler à la maison. “Comment commences-tu ton travail personnel à la maison ?, comment te sers-tu de l’agenda ?, où t’installes-tu ?, à quel moment révises-tu tes leçons ?”, etc. ».

À Montpellier, face à des élèves en difficulté, le collège classé en REP a privilégié la réalisation concrète des devoirs. « Il s’agit pour nous de pouvoir se poser à côté d’un élève pour un temps d’étude accompagné. Pour les élèves qui ont des difficultés ou ne sont pas en capacité à travailler chez eux, nous leur proposons une aide fonctionnelle en groupe de 8 à 10 de façon à pouvoir faire les devoirs à l’école », précise Jean-Pierre Flatry, le principal adjoint. Ainsi, 71 élèves sont inscrits à « devoirs faits » sur un effectif total de 483 collégiens.

 

HD-399---devoirs-2Qui encadre « Devoirs faits » ?

« Pour l’encadrement, les collèges peuvent faire appel soit aux enseignants volontaires, rémunérés en heures supplémentaires, soit aux conseillers principaux d’éducation (CPE), soit à des jeunes en service civique. Les formations sont assurées si besoin par les établissements », précise le ministère de l’Éducation. L’équipe du collège Simon Veil a par exemple affecté des assistants pédagogiques à ce dispositif. « Ce sont souvent des jeunes qui se destinent aux métiers de l’enseignement », souligne le principal adjoint. Des assistants d’éducation interviennent également.

Au collège de Lautrec, ce sont uniquement des enseignants qui encadrent le dispositif qui se déroule pendant la pause déjeuner. « Cela aurait pu être nos deux assistants d’éducation, mais ils sont déjà pris par le temps de cantine entre midi et deux. Il n’y a donc pas eu de formation spécifique et nous avons trouvé que cela avait du sens, car les enseignants connaissaient bien les élèves », souligne François Driay.

Un autre principal qui préfère rester anonyme a lui aussi opté pour un encadrement avec des enseignants exclusivement, refusant pour des raisons éthiques de faire intervenir des jeunes en service civique : « Il n’y a aucune exigence de diplôme. Même s’ils ont fait des études, il n’est pas évident qu’ils aient conscience des enjeux éducatifs, du travail personnel, etc. Par ailleurs, ils ont une indemnité de moins de 6 euros nets de l’heure. C’est créer un sous-prolétariat ».

 

Une mesure bien accueillie

Si « Devoirs faits » a été un véritable challenge pour les établissements qui ont dû mettre en place le dispositif dans l’urgence, l’innovation porte déjà ses fruits. Au collège Simone Veil, parents et adolescents volontaires sont majoritairement satisfaits de cette nouvelle aide. Même constat au collège de Lautrec. « En seulement quelques semaines, nous avons des résultats. Certains élèves reviennent en classe le lendemain en nous disant que grâce aux nouvelles méthodes de travail, ils intègrent mieux les leçons. Nous avons le sentiment que ce dispositif, c’est finalement une mission de médiation ».

Le principal, François Driay, souhaite déjà voir ce dispositif évoluer dès la rentrée prochaine : « Nous pensons essayer d’intégrer le dispositif très en amont. Il faudrait peut-être aménager les emplois du temps par niveau. Par exemple, faire en sorte que les trois classes de 4e terminent un soir à 16h et dégager également du temps aux professeurs de 16h à 17h pour « devoirs faits ». C’est en réflexion. En même temps, nous ne sommes pas persuadés qu’en fin de journée ce soit le meilleur moment pour que les élèves se concentrent. Donc nous réfléchissons aussi à faire plutôt un accueil le matin de 8h30 à 9h15 par exemple. C’est encore à inventer ».

« Devoirs faits » pourrait, selon une annonce du ministre, Jean-Michel Blanquer, être étendu à la rentrée 2019 aux écoles élémentaires.

-

__________

POINT DE VUE

François Driay, principal du Collège les Portanelles à Lautrec

« Les contraintes pour instaurer « devoirs faits » étaient assez fortes, car la répartition des services se fait au mois de janvier. Cependant, comme tous les collèges, nous avons eu des moyens conséquents en heures supplémentaires bien que nous en ayons pris connaissance tardivement. Nous avons donc mis en place une semaine après la Toussaint, 45mn par niveau et par semaine, encadrés par des enseignants. Comme nous n’avions pas des moyens extensibles, nous avons 10 à 15 % des élèves d’un niveau qui peuvent aller en suivi personnalisé, dans un collège qui compte 233 collégiens. J’ai demandé aux professeurs principaux d’identifier des élèves, puis le dispositif est proposé aux parents. Des collégiens volontaires ont aussi rejoint l’accompagnement. Nous allons de vacances à vacances, avec des groupes qui vont par exemple de la Toussaint jusqu’à Noël et nous sommes en train de définir les groupes de la période suivante avec reconduction de certains élèves si nécessaire. Un roulement qui permettra au plus grand nombre d’être accompagné pendant l’année ».

-

__________

ZOOM

Des aides À ne pas confondre !

Attention à ne pas confondre « Devoirs faits » avec l’accompagnement personnalisé au collège. Au départ réservé aux 6e, il a été étendu à la rentrée 2016 à tous les élèves, qu’ils rencontrent ou non des difficultés scolaires. Ainsi, chaque semaine, sur le temps de classe, trois heures d’accompagnement personnalisé sont consacrées aux 6e et deux heures pour les autres niveaux.

Au collège Simon Veil à Montpellier, comme ailleurs, ces heures sont encadrées par des enseignants. « Il s’agit d’aider des élèves sur le plan de la compréhension d’une leçon. On est plus proche de la pédagogie que de la réalisation des devoirs. Par exemple, pour des élèves en difficulté en français, le professeur peut renforcer les connaissances en petits groupes ».

-

__________

TEMOIGNAGES

« Nous ne sommes ni leurs professeurs ni leurs parents »

Au collège de Port-la-Nouvelle dans l’Aude, 30 % des élèves sont inscrits à l’aide « Devoirs faits ». Pour épauler les enseignants volontaires, des jeunes en service civique ont été recrutés, comme Baptiste, Anouk et Corentin, 21 ans . « On leur explique ce qu’ils ont mal compris, on est derrière eux. Ils ne nous connaissent pas forcément, nous ne sommes ni leurs professeurs ni leurs parents. C’est un avantage en somme, car ils nous écoutent plus », explique le jeune diplômé de BTS.

Anouk, également en service civique y voit, elle aussi, un avantage certain pour les élèves : « Une fois les élèves chez eux, ils n’ont pas toujours envie de ressortir le cartable. Ici, ils sont obligés de s’y mettre et sont souvent motivés, car ils sont en groupe avec leurs camarades ».

Mot-clé:

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis