Comment donner le goût de la lecture aux enfants ?
Face aux écrans (consoles, ordinateurs, TV…) le livre peut-il encore trouver sa place aujourd’hui ? A l’heure où la lecture papier régresse chez les Français, comment les parents peuvent-ils continuer à donner le goût de la lecture à leurs enfants ? Notre enquête auprès de parents, libraires et associations propose des pistes et des réponses pleines d’espoir.
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« Qu’est-ce que lire ?, questionne Hélène Dru, libraire jeunesse. Nous pensons que cela ne se limite pas à la littérature. Lire une recette de cuisine, une BD, un documentaire, c’est toujours lire. Il ne faut pas mettre d’obstacle aux petits, ni leur imposer un genre. Quand on est adulte, on suit ses envies en lisant par exemple un polar, pourquoi devrait-on imposer un genre aux enfants ? » Autrement dit, il est important de ne pas forcer son enfant à lire et de vouloir à tout prix qu’il choisisse une certaine littérature. Les enseignants s’en occupent, il convient de leur faire confiance dans ce domaine.
Sachez que si vous aimez lire, votre progéniture aimera cela aussi. Les enfants fonctionnent beaucoup au modèle. Et faites-vous plaisir en lui lisant des histoires que vous aimez. Vous n’en serez que plus convaincants.
Des rituels efficaces
« Tous les soirs nous racontons des histoires à nos deux enfants de 4 et 7 ans, explique Anne. Nous l’avons fait dès leurs 6 mois. Même s’ils ne comprenaient pas encore, la musique des mots leur parlait. Aujourd’hui, notre fille de 4 ans, qui ne sait pas lire, aime déjà se raconter seule à haute voix les livres qu’elle connaît par cœur !».
Et si les rituels de lecture aident les petits à aimer lire, il est important de ne pas les interrompre dès que l’enfant sait lire. A 5-6 ans, il aime continuer à partager ces moments avec les adultes et a encore des difficultés à lire de manière fluide.
Chez Ingrid et Patrick, on lit à la demande mais pas tous les soirs : « On essaie de raconter une histoire quand une de nos filles nous la réclame, même si on aimerait toujours pouvoir faire plus ! ». Chez eux, un grand panier de livres est à disposition pour piocher à la carte : imagiers, histoires classiques ou plus contemporaines, de nombreux contes aussi. « J’ai beaucoup de respect pour l’objet livre. Nous en achetons beaucoup à nos filles. La plus grande de 10 ans est abonnée aussi à l’Ecole des Loisirs et reçoit un livre tous les deux mois, se réjouit Ingrid. La console entre parfois en concurrente avec la lecture, mais les jeux vidéo sont limités à des temps précis et ça marche ».
Claire, elle, s’amuse à fabriquer des mini-livres avec ses enfants. Pendant les vacances elle les incite aussi à écrire des lettres aux grands-parents ou aux amis. « Jouer avec les mots leur insuffle vraiment le goût de lire, affirme-t-elle. J’ai envie de les inscrire bientôt à un atelier d’écriture pour qu’ils entrent à l’intérieur des histoires. »
Passeurs de lecture
Outre les parents, d’autres « passeurs » font aussi un travail pour donner aux enfants l’envie d’ouvrir un livre. L’association nationale Lire et Faire lire, par exemple, a pour but de donner le goût de la lecture aux petits, en rapprochant les générations. Des personnes âgées proposent ainsi aux enfants des lectures dans les écoles, les bibliothèques. « Ils sont vraiment réceptifs aux histoires, que j’essaie de rendre les plus vivantes possibles ! » raconte Thérèse, bénévole depuis quelques années à l’association, qui intervient dans l’Orne auprès d’enfants issus de milieux ruraux. « Je lis aux élèves de maternelle, mais aussi aux plus grands, jusqu’au CM2. Parfois je leur laisse choisir leurs livres, parfois c’est moi qui choisis, sinon ils demanderaient toujours les mêmes histoires. Il faut que ce soit un bonheur partagé ! Je sens qu’il y a au fur et à mesure un respect du livre qui s’instaure. »
En région Centre, bénévoles et salariés de Livre passerelle lisent des histoires aux enfants en dehors de l’école, dans tous les lieux publics d’attente (PMI, sorties d’écoles, crèches, prisons…). Les enfants peuvent piocher dans une valise de 80 livres, sélection exigeante d’albums jeunesse qui s’adressent à tous les âges, « Face au rouleau compresseur de la télé, notre ambition est de faire découvrir aux enfants, surtout issus de milieux où les parents ne lisent pas, des histoires de qualité, avec des illustrations créatives et belles, qui vont les aider à se construire une culture littéraire, mais aussi à se construire tout court », explique Dominique Veaute, une des fondatrices de l’association. Nous ne voulons pas offrir des niaiseries aux enfants, mais leur proposer des livres qui les aident à grandir, à découvrir, à comprendre, à s’évader et à rêver ! ».
Autre initiative, en Seine-Maritime, la lecture vient aux enfants via le Festival « Lire à la plage » qui propose des cabanes-bibliothèques disposées sur une dizaine de plages en juillet et août. Et cet été, le ministère de la Culture lance la première Fête du Livre Jeunesse, qui devrait voir fleurir, entre le 17 et le 30 juillet, une moisson d’initiatives lectures à travers tout le territoire français. Rappelons que, de son côté, depuis 1985, la PEEP encourage le goût de la lecture chez les enfants avec son grand concours annuel : le Grand prix des jeunes lecteurs (informations sur www.peep.asso.fr).
En résumé, il faut savoir saisir toutes les occasions pour stimuler le désir de lire chez l’enfant, et sans contrepartie, comme le dit Daniel Pennac, dans son essai Comme un roman, « Le verbe “lire” ne supporte pas l’impératif ».
MR
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ZOOM
Que penser du livre numérique jeunesse ?
Encore peu de livres jeunesse sortent sur support numérique, alors que plus de 15 % des foyers français sont équipés de liseuses ou de tablettes. Selon Pascale Gossin chercheuse à l’Université de Strasbourg, il est important que le passage au numérique présente une plus-value par rapport au livre papier. Quelques éditeurs, comme « La souris qui raconte » ou « E-toiles éditions », se sont vraiment emparés de ce secteur pour proposer des livres numériques très créatifs, qui ajoutent par exemple du son ou permettent au jeune lecteur d’interagir, voire de créer ses propres textes.
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TEMOIGNAGES
Hélène Dru, Danièle Blanc, Libr’Enfants à Tours
« Non, on ne va pas entrer dans la librairie, car vous ne savez pas lire, vous reviendrez plus tard ! » ai-je entendu une fois un père dire à ses trois enfants devant la boutique, » se souvient Hélène Dru, libraire chez Libr’Enfants à Tours, un peu choquée. Elle et ses collègues préconisent pourtant de commencer à lire des histoires aux enfants dès les premiers mois. « Nous laissons les enfants toucher aux livres, qui sont à leur portée. C’est important qu’ils puissent découvrir tout seuls » ajoute Danièle Blanc. « Nous proposons aussi des temps de lecture aux 3-6 ans dans la librairie. C’est un moment privilégié avec eux. Nous leur faisons cadeau d’une lecture. Ce mot est important pour leur faire aimer lire ensuite. »
Mais plus âgé, qu’en est-il de ces jeunes lecteurs ? « Nous les perdons parfois, expliquent les libraires, mais nous rassurons les parents en leur disant que si leur enfant ne lit plus, ce n’est pas grave, car il y revient souvent plus tard ! Un bon truc est de faire lire des histoires aux petits par les plus grands, ainsi valorisés et encouragés à lire.»
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POUR ALLER PLUS LOIN
- « Le plaisir de lire expliqué aux parents », de Christian Postlaniec, éditions Retz
