MAGAZINE

Les adolescents face à la pornographie

HD-384---porno-2Devant le raz-de-marée d’images pornographiques auquel sont confrontés les jeunes sur internet, les parents doivent plus que jamais être vigilants.

-

Photos, vidéos, sites de rencontres douteux… les images à caractère pornographique n’ont jamais été aussi présentes ni si faciles d’accès qu’aujourd’hui. Et nul besoin de montrer patte blanche. Il suffit d’aller sur internet et de certifier d’un clic avoir 18 ans pour voir s’ouvrir les portes d’une quantité astronomique d’images inappropriées, parfois choquantes. On peut y accéder depuis l’ordinateur familial, mais aussi depuis sa tablette ou son smartphone. Plus de 700 000 sites pornographiques seraient accessibles sur internet ; 200 nouveaux sites seraient lancés chaque jour dans le monde !

Toutes les études sur le sujet montrent que les jeunes regardent plus de vidéos pornographiques qu’avant et de plus en plus tôt. « Le porno fait désormais partie des rites initiatiques de l’adolescent : pour faire partie du groupe, il faut avoir vu des films et s’en échanger », constate le psychanalyste Serge Tisseron dans le livre Ados, la fin de l’innocence (1).

La place du sexe chez les jeunes est aussi en pleine évolution. Les adolescents d’aujourd’hui s’envoient des SMS coquins, se prennent en photo dans des poses équivoques, parfois même se déshabillent devant leur webcam sans penser que ces images pourraient un jour se retrouver à la vue de tous. Des adolescents ont déjà mis fin à leurs jours après que des individus mal intentionnés les ont menacés de diffuser des vidéos qu’ils avaient enregistrées à leur insu. Les faits divers à caractère sexuel impliquant des enfants ou des adolescents font régulièrement l’actualité. Ici, des adolescents violent une camarade de classe, là un enfant de 10 ans abuse sexuellement d’un plus petit que lui.

 

Des professionnels rassurants

Difficile pour autant de savoir si un lien de cause à effet existe entre l’omniprésence des images à caractère pornographique et l’augmentation de ce type de faits divers. « A force de voir ces images et de n’avoir aucune autre source d’information sur la sexualité, ces enfants risquent de passer à l’acte et ce sont les plus fragiles que l’on peut retrouver un jour dans une affaire de viol collectif », reconnaît le pédopsychiatre Patrice Huerre (2). Avant d’ajouter : « Mais je ne suis pas si inquiet, la grande majorité s’en sort, sait lire les images et les détourner ». D’ailleurs, d’après l’une des rares études sur le sujet (3), l’exposition à la pornographie n’aurait pas d’impact sur les comportements sexuels des adolescents. « C’est vrai qu’ils parlent plus de certaines pratiques, parce qu’ils les ont peut-être vues dans un film. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils auront forcément envie d’essayer », tempère Maryse, une intervenante dans les établissements scolaires sur ces questions liées à la sexualité.

Une chose est sûre néanmoins : au moment où les jeunes découvrent l’amour et la sexualité, le fait de visionner des images pornographiques dans lesquelles les sentiments brillent par leur absence peut générer des frustrations une fois les premiers rapports sexuels réalisés. Certains jeunes pourraient trouver dommage que leur partenaire ne soit pas aussi extraverti(e) qu’ils ne l’imaginaient ou se montrer inquiets de leurs propres performances.

 

HD-384---porno-1La discussion avant tout

Face à cette situation, les parents se sentent souvent démunis. Ils doivent pourtant faire preuve de la plus grande vigilance. Sans vouloir contrôler tout ce qu’ils font sur internet, interdire aux plus jeunes d’utiliser un ordinateur dans leur chambre et confisquer leur téléphone portable à partir d’une certaine heure est un premier pas nécessaire. Installer des systèmes de contrôle parental peut aussi limiter les risques.

Nombreux sont les éditeurs à les intégrer dans leurs logiciels et chaque fournisseur d’accès à internet (FAI) est tenu d’en proposer un gratuitement à ses abonnés. Si votre enfant a moins de 10 ans, vous devrez définir la liste de sites auxquels il aura accès (liste blanche). S’il est plus âgé, le logiciel bloquera automatiquement l’accès aux sites contenant des images pornographiques ou violentes (liste noire). Mais attention, car tous les logiciels de contrôle parental ne se valent pas et surtout, aucun n’est infaillible. L’association e-enfance réalise régulièrement des tests des logiciels de contrôle parental gratuits, rendez-vous sur leur site www.e-enfance.org.

Des solutions existent aussi pour les smartphones et les tablettes. Mieux vaut éviter les systèmes de blocage inclus dans les téléphones. Ils empêchent généralement tout accès à internet ou aux emails et réinitialiser l’appareil suffit à les désactiver. Méfiez-vous aussi des solutions proposées par les opérateurs de téléphonie mobile. La plupart du temps, elles ne fonctionnent pas lorsque le téléphone est connecté en wifi. Préférez les applications, gratuites ou payantes, qui s’installent sur le téléphone en prenant garde à ce qu’elles intègrent un réel système de filtrage des sites internet basé sur les images et les textes qu’ils contiennent.

Pour autant, ces systèmes de contrôle, aussi perfectionnés soient-ils, ne remplaceront jamais un dialogue de fond avec l’enfant. Même s’il n’est pas toujours évident d’aborder ces questions, il est important de pouvoir échanger avec son enfant sur ce qu’il peut voir sur les écrans, répondre aux questions qu’il se pose, lui expliquer en quoi les films pornographiques ne correspondent en rien à la réalité. Instaurer un climat de confiance pour l’accompagner au mieux dans les découvertes qui marqueront, progressivement et en temps voulu, « la fin de son innocence ».

 

 

Notes

1-2 – « Ados : la fin de l’innocence », Géraldine Levasseur, Max Milo Editions.

3 – Associations between online pornography and sexual behavior among adolescents : myth or reality ? M.T. Luder, I. Pittet, A. Berchtold et C. Akré, 2011.

-

__________

A SAVOIR

Exposés de plus en plus tôt

Selon le baromètre « Enfants et Internet » 2011 de la société Calysto, plus des deux tiers des 15-17 ans (68%) et 43% des 11-13 ans sont déjà tombés sur des contenus choquants en surfant sur internet. Plus inquiétant encore, seuls 8% des 15-17 ans et 12% des 11-13 ans ont osé en discuter avec leurs parents.

Plus généralement, 30% des jeunes ne discutent jamais avec leurs parents de ce qu’ils font sur internet.

-

__________

TEMOIGNAGE

Yann Leroux, psychologue, responsable du blog Psyetgeek.com

« Il ne faut pas les culpabiliser »

« Lorsqu’un enfant ou un adolescent regarde des vidéos pornographiques, c’est pour chercher des réponses qu’il ne trouve pas ailleurs. Ce phénomène a toujours existé sauf que ceux d’avant lisaient Playboy ou Newlook. Grâce à internet, les jeunes d’aujourd’hui ont accès plus facilement à ce genre de contenus. Pour autant, on ne constate pas de changement de comportement notable dans les pratiques sexuelles. L’âge du premier rapport, par exemple, n’évolue pas. Alors, si des parents s’aperçoivent que leur enfant regarde occasionnellement du porno, pas de panique. Le pire serait de le culpabiliser ou de lui faire honte. Ce qu’il faut, c’est discuter avec lui de sexualité, cerner les questions qu’il se pose et y apporter des réponses. Il faut aussi lui faire comprendre que, comme n’importe quel film, les pornos ne sont pas faits pour montrer la réalité. Leur unique objectif est de faire naître l’excitation chez celui qui regarde. Seule la consommation compulsive de porno chez un adolescent doit alerter et inciter à aller consulter un psychothérapeute. »

Pas de commentaires pour le moment.

Donnez votre avis