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Apprendre le secourisme à l’école

Aujourd’hui, l’apprentissage des gestes de premiers secours fait partie des enseignements que tous les élèves doivent suivre au cours de leur scolarité. En quoi consiste cette formation ? Qui la dispense ? Avec quels objectifs ? Les réponses.

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L’Education nationale est devenue en quelques années le premier organisme de formation aux premiers secours de France, devant la Fédération Française de Sauvetage et de Secourisme, la Croix-Rouge ou encore les pompiers. Elle forme ses propres instructeurs et moniteurs mais aussi et surtout les élèves de la maternelle au lycée d’enseignement général. Une démarche incitative dans les années 90 et rendue obligatoire suite à la publication de la loi de sécurité civile de 2004 et des arrêtés en conséquence définis par l’Education nationale.
En théorie, tous les élèves en fin de troisième doivent aujourd’hui être titulaires du certificat Prévention et Secours Civiques de niveau 1 (PSC1). Un certificat national que chacun peut passer par ailleurs à partir de l’âge de 10 ans. Dans les faits, l’objectif de 100 % d’élèves formés n’est pas encore atteint malgré des efforts réels. La formation aux premiers secours poursuit plusieurs finalités : celle de renforcer la sécurité d’autrui notamment, celle de développer le sens civique et citoyen des enfants en apprenant à être dans une certaine mesure responsable de sa propre personne mais aussi des autres, ainsi, bien sûr, que celle d’être capable de se positionner comme le premier maillon de la chaîne des secours en cas d’accident.
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Enseignement progressif
En primaire, le dispositif « Apprendre à porter secours » (APS) figure dans les programmes. Quand il est dispensé, il l’est la plupart du temps par les professeurs des écoles eux-mêmes, formés par des instructeurs de l’Education nationale ou des organismes agréés. Depuis 2006, les professeurs des écoles nouvellement nommés doivent même justifier pour s’inscrire au concours de recrutement d’une attestation certifiant une qualification en secourisme complétée par 3 heures de pédagogie en la matière. Objectifs en primaire ? Faire connaître les règles générales de sécurité, identifier les dangers, protéger, alerter et intervenir.
« En CP, CE1, on va leur apprendre par exemple à arroser d’eau froide une brûlure ou à comprimer un endroit qui saigne, explique Cécile Hémous, directrice de l’école de Cubnezais en Gironde, formatrice de premiers secours de l’Education nationale. On fait des jeux de rôle par deux, chacun joue tour à tour à la victime et au secouriste. En CE2, CM1, CM2, on voit comment agir devant une personne inconsciente qui respire. Il faut commencer par lui parler en lui posant une question simple et voir si elle réagit. Si elle ne réagit pas, elle est probablement inconsciente, il faut donc vérifier qu’elle respire en écoutant le thorax par exemple et on apprend à lui basculer délicatement la tête en arrière ou à l’installer de manière latérale. Dans tous les cas, on explique aux élèves qu’il faut appeler le SAMU au plus tôt. Nous consacrons, dans mon école quatre après-midi à cette sensibilisation. »
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Pompiers à la rescousse
Il arrive que des écoles ou des établissements scolaires fassent appel à des organismes extérieurs. C’est par exemple le cas de l’école primaire de Dachstein dans le Bas-Rhin. « Dans mon groupe scolaire, rien de particulier n’était prévu, explique Arnaud Dubus, le directeur. En discutant avec le papa d’un élève qui était pompier, nous avons mis en place cette initiation aux gestes de premiers secours dans l’enceinte de l’école, mais aussi lors de la visite de la caserne. Les élèves font à cette occasion un petit tour en camion ; ils sont contents et surtout réceptifs. On a conservé un mannequin à l’école pour revoir les réflexes ensemble. J’ai été formé il y a quelques années à ce qui s’appelait l’AFPS (Attestation de formation aux premiers secours) mais mon rôle en la matière aujourd’hui consiste essentiellement à initier les visites, à préparer l’encadrement des groupes et à entretenir ce que les élèves ont appris. Malheureusement toutes les écoles n’ont pas la chance d’avoir une caserne de pompiers juste à côté, avec des pompiers motivés ! ».
A la fin du CM2, les élèves ayant suivi cet enseignement voient les acquis de cette formation figurer sur leur livret personnel de compétences.
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Enseignement secondaire
Au collège et au lycée, l’organisation des actions de formation en PSC1 relève de l’académie et du département. Elle intervient dans le cadre du Comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), un dispositif destiné à organiser l’éducation à la citoyenneté et à la prévention des comportements à risques. La formation n’est pas assurée par les enseignants eux-mêmes, mais par des spécialistes en prévention et secours civiques inscrits sur la liste des formateurs académiques. Ils sont issus de l’Education nationale ou d’organismes habilités ou agréés par le ministère de l’Intérieur. Un minimum de sept heures de formation par groupes de 10-12 élèves est ainsi prévu. Au collège, c’est le PSC1 qui est visé. « Il faut donc apprendre ou revoir comment protéger une victime et alerter les secours. Viennent ensuite les réactions à avoir lorsqu’une personne s’étouffe, saigne abondamment, est inconsciente, ne respire pas, se plaint d’un malaise ou manifeste un traumatisme (douleurs fortes au dos, au cou, aux jambes, etc.) », explique Christian Poutriquet, formateur et président de la commission formation de la Fédération française de sauvetage et de secourisme. Au final, c’est-à-dire à l’issue de la 3e, l’élève devra être en mesure de reconnaître une situation anormale, analyser le risque, procéder à une protection adaptée, examiner rapidement l’éventuelle victime, prévenir les secours et agir.
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Dispositif spécifique
En théorie, lorsque les élèves arrivent au lycée, ils sont titulaires du PSC1 mais doivent pouvoir bénéficier d’une actualisation des connaissances et des gestes techniques. Mais, puisque dans les faits tous les élèves en fin de troisième ne sont pas formés au PSC1, ils doivent recevoir cette formation une fois au lycée d’enseignement général. La formation s’organise selon les mêmes modalités qu’au collège et poursuit les mêmes objectifs. Mais là encore, tous les élèves ne quitteront pas le lycée avec leur PSC1 en poche même s’il est difficile de dire quelle est la proportion d’élèves laissés à la marge du dispositif, faute de statistiques en la matière.
Dans les lycées agricoles, technologiques et professionnels, les élèves ne sont pas concernés par le PSC1. Ils dépendent d’un dispositif spécifique, la formation de Sauveteur secouriste au travail (SST), certificat délivré par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Seuls sont habilités à dispenser cette formation, les titulaires du certificat d’aptitude pédagogique de SST, à jour dans leur formation continue. Les élèves en formation de secouriste au travail apprennent bien sûr les réflexes à connaître dans le cadre du PSC1, mais aussi et surtout à réagir devant un accident du travail : incendie dans un atelier, chute d’un chantier, etc. Et là, la maîtrise des gestes pour sauver des vies est au cœur de la formation.

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REPERES

Une formation ouverte à tous

20 000 personnes meurent chaque année en France d’accidents dans un environnement familier (maison, trajets, travail…). Des décès qui surviennent parfois avant l’arrivée des secours. D’où l’importance de savoir réagir devant une situation d’urgence. Le PSC1 est une formation que chacun peut suivre. Le coût de cette formation s’élève à environ 60 euros. Renseignements sur ffss.fr ou croix-rouge.fr

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POINT DE VUE

Christian Poutriquet, formateur et président de la commission formation de la Fédération française de sauvetage et de secourisme

« La formation en matière de secourisme dans l’Education nationale représente 15 à 20 % des activités de la Fédération française de sauvetage et de secourisme. Les collèges représentent une demande forte puisque le diplôme Prévention et secours civique de niveau 1 (PSC1) est requis pour l’obtention du diplôme national du brevet (DNB). Transmettre les gestes et réflexes de premiers secours à un public de collégiens, c’est plus facile que de les faire passer auprès d’un public adulte. D’abord, les élèves sont plus réceptifs et davantage habitués aux situations d’apprentissage que les adultes. Ensuite, ils n’ont pas de mauvaises habitudes ni de préjugés, par exemple, sur l’utilisation de défibrillateurs.

Les différentes réformes du PSC1, intervenues en 1991, 2007 et 2012 ont considérablement simplifié les gestes à connaître. Par exemple, il n’est plus question de savoir dégager d’urgence quelqu’un d’un véhicule en feu ! Le développement d’outils multimédias pédagogiques permet aussi de transmettre des gestes essentiels facilement. Les enfants sont heureux de savoir qu’ils pourraient réagir devant un papy qui se sent mal lors d’un repas de famille ou le petit frère qui s’est fait mal au foot ! »

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TEMOIGNAGE

Cécile Hémous, directrice de l’école de Cubnezais en Gironde, formatrice de premiers secours de l’Education nationale

« La sensibilisation aux gestes de premiers secours peut commencer en maternelle. Les enfants y apprennent les comportements périlleux. Par exemple, on leur explique qu’un ciseau en soi n’est pas dangereux mais qu’un mauvais usage peut l’être. On met également en scène des situations qui requièrent un secours de l’entourage à travers, par exemple, les mésaventures d’une petite mascotte. Les élèves apprennent à alerter un adulte et, en grande section, à téléphoner au SAMU. En primaire, l’enjeu est d’identifier les dangers et de donner l’alerte d’une manière plus structurée. Au-delà des réflexes à avoir comme mettre de l’eau froide sur une brûlure, il est rassurant pour les élèves de savoir qu’en appelant le SAMU, ils ne peuvent pas se tromper. Il est important de transmettre ces réflexes en dédramatisant. Et ça, c’est tout l’art des enseignants. On ne travaille jamais sur des situations de mort car ce serait anxiogène. On leur dit bien, qu’il ne s’agit pas de sauver des vies mais d’apporter de l’aide.

Cette sensibilisation est très valorisante pour les enfants car il n’y a pas d’échec possible contrairement aux mathématiques ou en français. Là, tous les élèves sont au même niveau et cela renforce la confiance en soi de ceux qui en manquent ! »

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