EDUCATION

Quel avenir pour les Rased ?

Le ton monte dans les rangs des Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté. De nombreux postes ont été supprimés ces dernières années et le dispositif ne bénéficie que d’une simple mention en annexe du projet de loi pour la refondation de l’école. Zoom sur sa fonction et son devenir.

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Rased : Réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté. Alors que le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de Vincent Peillon accorde la priorité au primaire pour lutter contre l’échec scolaire, l’avenir du dispositif – un des principaux acteurs de cette cause – n’est évoqué qu’en annexe. Le texte indique ainsi que le fonctionnement des Rased « doit évoluer en complémentarité avec les autres dispositifs d’aide ». Une formule floue qui ne rassure pas les différents intervenants après quatre années de suppressions de postes, environ 5 000 d’après le collectif national Rased, qui regroupe les associations des Rased et les principaux syndicats. Ce dernier déplore ainsi que depuis la rentrée 2012, ce sont plus de 250 000 élèves en difficulté qui ne peuvent plus bénéficier d’une aide spécialisée adaptée.
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La mission du Rased
Créé en 1990, le Rased a pour mission de dispenser des aides spécialisées aux élèves d’écoles maternelles et élémentaires en grande difficulté. Ce soutien est d’ordre pédagogique ou rééducatif. En classe ou en petits groupes, les interventions sont assurées par des psychologues scolaires, des professeurs des écoles spécialisés et des rééducateurs, membres à part entière de l’équipe enseignante où ils exercent. Le travail du Rased complète les aides personnalisées mises en place en 2008 et les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires.
Ces équipes spécialisées sont ainsi compétentes pour analyser les élèves en grande difficulté et pour construire des réponses adaptées, notamment dans la mise en œuvre des programmes personnalisés de réussite éducative (PPRE). Cela permet de remédier aux situations qui résistent aux actions entreprises par le professeur des écoles. Ainsi, lorsqu’un élève éprouve des difficultés dans ses apprentissages, l’enseignant spécialisé vient en aide pour identifier les obstacles à la réussite, établir des objectifs et proposer des activités, des supports, des échéances et des modalités d’évaluation.
Les approches s’adaptent aux besoins de l’enfant. Les titulaires du CAPA-SH option E assurent le suivi à dominante pédagogique, à savoir les enfants en difficulté pour comprendre et apprendre alors qu’ils en ont les capacités. Tandis que les titulaires de l’option G relèvent davantage de l’aide rééducative, celle nécessaire aux élèves qui ne parviennent pas à s’adapter aux exigences scolaires. Il s’agit, dans ce cas, de développer l’envie d’apprendre et de travail chez ces élèves. Le psychologue scolaire est également rattaché au dispositif, il intervient en cas de problèmes importants afin de réaliser un bilan approfondi – en concertation avec les parents – et suit son évolution.
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Une organisation fortement perturbée
Depuis 2008, l’équilibre du Réseau est en souffrance. En cause, des milliers de postes supprimés et toujours plus d’élèves en difficulté. « Les enseignants spécialisés sont en charge de plus d’écoles, de plus d’élèves, ils sont donc moins présents, moins disponibles et sollicités sur les cas les plus difficiles. On perd de ce fait en efficacité, là où il était aisé de rattraper une situation avant qu’elle ne se dégrade, on nous signale les élèves quand ils vont déjà très mal. De plus, nous ne pouvons plus couvrir toutes les écoles, donc certains enfants ne sont pas aidés, surtout si leur famille est socialement démunie », témoigne Stéphanie de Vanssay, enseignante spécialisée à dominante pédagogique dans les Hauts-de-Seine. Une situation qui touche l’ensemble du territoire : « Il existe dans notre département des Rased sans aucun maître spécialisé, seuls les psychologues scolaires ont été conservés. D’où un fonctionnement dans l’urgence. De plus, avec la loi de 2005, de plus en plus d’élèves porteurs de handicap sont intégrés dans les classes. Le suivi et l’orientation de ces élèves, la participation aux réunions les concernant prend beaucoup de temps au psychologue scolaire au détriment du travail de Rased. Il est devenu impossible de faire un travail de prévention », regrette Martine Heyer, psychologue scolaire dans le Cher.
Dans une lettre adressée aux parlementaires, le Collectif national Rased rappelle que « toutes les difficultés qui se manifestent à l’école ne peuvent être résolues dans le seul cadre de la classe. Certaines d’entre elles, aux enjeux multiples, sont complexes à appréhender. Les Rased, avec leurs trois types de professionnels formés (psychologue, rééducateur, maître E) constituent le seul dispositif gratuit d’aides spécialisées à l’école, et dans son principe immédiatement accessible aux familles. »
Aux dernières nouvelles, un groupe de travail sur la place et l’évolution des missions des personnels spécialisés devait se mettre en place pour étudier l’avenir du dispositif.

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TEMOIGNAGES
Quelles solutions pour les RASED ?

« Des Rased complets peuvent faire économiser de l’argent, cela diminuerait l’extériorisation des soins, la médicalisation. (…) Et pourquoi ne pas envisager des Rased en collège pour soutenir les équipes, aider aux projets, permettre une réflexion sur ce en quoi consiste la difficulté… »

Anne-Loup Rampillon, seule maîtresse « rescapée » option E en Haute-Garonne


« Il me paraît impossible de pouvoir recréer le fonctionnement pensé pour les Rased, à moins que des milliers de postes soient créés… Les personnels ont très mal vécu les suppressions et ceux qui ont repris des classes n’ont plus envie de revenir. De plus, penser qu’on peut assurer un service à tous les élèves sur tout le territoire sans que le personnel ne soit remboursé de ses déplacements est voué à l’échec. Il s’agit de penser un nouveau système car la prise en charge des plus fragiles se doit d’être un service de l’Education nationale. Il faut reprendre la formation des enseignants spécialisés. Faut-il aller vers une refonte des spécialisations ? Faut-il aller vers une implantation seulement dans les zones sensibles si on est incapable de couvrir tous les territoires ? »

Martine Heyer, psychologue scolaire depuis 1995 dans le Cher


« La première urgence est d’annoncer un avenir pour les Rased (ou un dispositif revu) car les personnels formés et compétents ont soit perdu leur poste, soit se découragent devant des conditions d’exercice fortement dégradées. Beaucoup partent ou envisagent de partir vers d’autres postes. Il faut donc urgemment donner un horizon pour ne pas perdre toutes ces compétences qui seront très longues et coûteuses à reconstruire. Ensuite il faut remettre des postes et relancer une formation spécialisée pour que tous les élèves en ayant besoin puissent bénéficier d’une aide spécialisée de qualité à l’école et sur leur temps scolaire. En effet, rajouter du temps d’aide aux élèves en difficulté en dehors du temps de classe (aide personnalisée) devient une sorte de “double peine” : “ Tu as du mal à l’école ? Et bien tu vas en avoir encore plus ! ” »

Stéphanie de Vanssay (lire son témoignage plus bas)

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REPERES

Florence Denis, le quotidien d’un maître E

8h : arrivée à l’école, préparation de différents documents pour les séances avec des groupes ou des évaluations individuelles. Echanges d’infos en salle des maîtres.

De 8 h 30 à 11 h 30 : séances de 3/4 d’heure à une heure en petits groupes en élémentaire ou maternelle ou travail en classe en co-intervention ou évaluation individuelle. Souvent changement d’école à la récréation.

Sur la pause méridienne : prise de notes sur les séances du matin préparation de matériel pour les séances de l’après-midi, mais très souvent réunion avec des enseignants pour faire le point sur des suivis d’élèves, pour aider à mettre en place un PPRE (Programmes personnalité de réussite éducative), pour analyser les difficultés d’un élève non suivi, participation à un PPS (Projet personnalisé de scolarisation).

Après-midi : même chose que le matin. Après la classe, réunions avec des enseignants ou des parents, prise de notes, compte-rendu d’évaluation, bilans de suivis, préparation de séances, projets…

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POINT DE VUE


Stéphanie de Vanssay, enseignante spécialisée à dominante pédagogique (maître E) depuis huit ans dans les Hauts-de-Seine et conseillère technique au syndicat SE-Unsa

« Notre quotidien est d’observer les élèves en difficulté en classe, parler avec leur enseignant, réfléchir à la meilleure façon de leur venir en aide. Il s’agit de les prendre en charge en petits groupes ou de les accompagner dans la classe. Nous mettons en place des actions de prévention des difficultés, des rencontres avec les parents et avec les partenaires connaissant l’enfant (orthophoniste, travailleur social…). L’enseignant spécialisé du Rased est au service de chaque élève en difficulté, il œuvre pour trouver tous les leviers qui vont lui permettre de mieux réussir à l’école, de s’appuyer sur ses points forts pour surmonter ses difficultés. Il est à la fois dans l’école tout en étant extérieur à la classe, il a un regard de l’intérieur mais avec du recul. Un de ses rôles essentiels est de permettre aux adultes entourant l’enfant et l’enfant lui-même à changer de regard. Chaque élève est capable de mobiliser ses ressources et son intelligence pour apprendre et peut réussir des tâches scolaires. »

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