AbiBac, mode d’emploi

Quand on est dans une classe où tout le monde a choisi d´étudier plus intensivement l´allemand, ça change du collège où le professeur avance moins vite car la classe n´est pas motivée et ne fait généralement rien pour avancer dans la leçon. » D’après son témoignage, Myriam est une élève très motivée. Un atout pour son projet : obtenir l’AbiBac. Cette lycéenne parisienne prépare, en effet, un diplôme binational, à savoir notre baccalauréat français ainsi que l’Abitur, son équivalent allemand. Elle a intégré cette section en 2010 au lycée Maurice Ravel avec la crainte de ne pas avoir un niveau suffisant en allemand, mais avec une vraie envie de tirer profit de ce double cursus. Tel est l’enjeu de ses trois années de scolarité au lycée.

Dès 1987, dans le cadre de la coopération franco-allemande, des établissements ont ouvert des sections bilingues fondées sur le jumelage et sur la conception commune de projets. C’est ensuite en mai 1994 qu’est créé l’AbiBac. La coordination du dispositif relève de la compétence de la commission franco-allemande des experts pour l’enseignement général. Pour l’année scolaire 2011 – 2012, l’Education nationale compte 72 lycées français dont 5 établissements français en Allemagne et 61 établissements allemands proposant cette section.

Le succès du dispositif est assez remarquable (lire encadré chiffes-clés ci-contre) et honore, d’une certaine façon, l’importante coopération éducative que la France et l’Allemagne mettent en œuvre depuis plus d’un demi-siècle, en particulier dans l’apprentissage de la langue du partenaire. Rappelons que l’année 2012 – 2013 est marquée par la célébration des 50 ans du Traité de l’Elysée, signé le 22 janvier 1963 par le général De Gaulle et le chancelier Adenauer.

Depuis, les deux pays contribuent à la construction d’un espace commun de l’éducation et de la formation grâce à un réseau actif, en évolution constante. Ainsi, de nombreux temps forts articulent cette année scolaire : afin de renforcer le rapprochement des systèmes scolaires et universitaires français et allemands, il est notamment prévu d’introduire l’AbiBac dans toutes les académies de France et les Länder (équivalent de nos régions) en Allemagne.

Car actuellement, peu d’établissements sont engagés dans le dispositif AbiBac. A Paris par exemple, seuls deux lycées proposent le bac binational. Ce qui fait que la section n’est pas soumise aux règles de la sectorisation. Tout élève, même si son collège d’origine ne dépend pas géographiquement d’un de ces deux lycées, peut se porter candidat. Mais, sur l’ensemble du territoire, les demandes d’inscription augmentent, aussi tous ne décrochent pas forcément leur ticket d’entrée.

Concrètement, l’AbiBac est accessible à tous les élèves se destinant aux séries L, ES et S. Mais le diplôme se préparant dès la classe de seconde, il est recommandé de discuter de l’option avec le professeur d’allemand de 3e. « Il m’est arrivé de déconseiller cette voie à certains élèves, témoigne Laetitia, professeur d’allemand dans un collège de Tours. Ils avaient un bon niveau en langue, mais soit cela ne correspondait pas avec leur projet d’études, soit ils manquaient de rigueur. J’explique alors aux parents, comme aux enfants, que l’AbiBac est un projet global qui nécessite un plein engagement. Les places étant rares, il vaut donc mieux être sûr, par principe, de son choix avant de signer. » Les candidats doivent ainsi faire preuve d’une grande motivation. « Ils sont en général issus d’une section européenne d’allemand en France (…) et ont acquis un bon niveau de langue », explique-t-on au ministère.

Pendant les trois années qui précèdent l’examen, le programme comprend au minimum 9 heures d’enseignement en allemand par semaine. Au lycée Maurice Ravel de Paris, la préparation spécifique à l’AbiBac compte six heures hebdomadaires de cours d’allemand axés sur le perfectionnement de la langue, la civilisation et la littérature et cinq heures de cours d’histoire – géographie (1) en langue allemande. Les autres cours sont suivis avec le reste des camarades de leur classe en fonction de leur filière. « Les premiers cours d´histoire-géographie, je ne comprenais rien. J´ai eu peur mais en voyant que je n´étais pas la seule, ça m´a rassurée. Le cours d´allemand classique et celui d´histoire-geo ne se ressemblent pas car on n’utilise pas le même vocabulaire », prévient Myriam.

Le dispositif repose également sur des échanges proposés aux élèves, un système que recommande vivement la lycéenne : « On apprend tellement de choses, on ne voit pas forcement tous les progrès que l´on a fait dans l´année. L´échange permet de s´en rendre compte et d´améliorer vraiment son oral et son accent. Je ne pensais pas avoir retenu tant de choses. C´est vraiment plaisant de communiquer avec la famille, de pouvoir parler de sujets d´histoire ou d’actualité, car on a appris du vocabulaire, pas seulement scolaire, au cours de l’année. »

Côté examen, en France et dans les lycées français en Allemagne comportant une section AbiBac, les élèves passent en français les épreuves correspondant à leur série et comptant pour le seul baccalauréat et en allemand les épreuves spécifiques comptant à la fois pour le baccalauréat et pour l’Abitur, à savoir histoire-géographie (à l’écrit) et allemand (à l’écrit et à l’oral).

Les épreuves spécifiques écrites sont en règle générale corrigées par des professeurs du pays dans lequel les épreuves sont passées et les épreuves spécifiques orales sont évaluées par un jury présidé par un représentant du pays partenaire. Ce jury arrête définitivement les notes (écrites et orales) comptant pour l’obtention du diplôme du pays partenaire.

Les élèves ayant passé avec succès ces épreuves reçoivent, outre le diplôme du baccalauréat, une attestation de succès à l’Abitur. Cette attestation est délivrée par les autorités compétentes du Land de leur établissement partenaire.

« La force de l’AbiBac repose sur le contenu du programme et aussi sur les nombreux échanges qui ponctuent les années scolaires », explique Laetitia, l’enseignante tourangelle. Les élèves ressortent, en effet, de ces trois années avec un niveau de langue très poussé. Une compétence ajoutée au diplôme qui leur permet d’intégrer une université allemande et d’y suivre plus aisément un cursus.

__________

TEMOIGNAGE

Yolanda Cavalier-Flepp, professeur d’allemand et chargée de communication pour la section Abibac,

lycée Maurice Ravel, Paris

Quel est le profil pour intégrer une section AbiBac ?

L’AbiBac est recommandé aux élèves possédant un bon niveau d’allemand et ayant un intérêt général pour cette culture. Les recrutements se font sur dossier. On retrouve souvent des collégiens issus de classes bilangues, de section LV2 européen et exceptionnellement des enfants « bilingues » par un parent.

Mais nous étudions le dossier de l’élève dans sa globalité, les notes sont examinées mais il est aussi question de déterminer s’il possède les capacités pour suivre et évoluer.

Quel état d’esprit doit adopter l’élève ?

C’est un engagement en connaissance de cause. L’élève doit s’attendre à plus de travail sur le long terme (ses trois années de lycée), mais l’enrichissement y est très stimulant.

Quels sont les avantages d’après vous ?

Intégrer la section AbiBac présente des avantages énormes. Les heures de langue, de littérature et d’histoire-géographie en allemand renforcé leur permettent d’atteindre le niveau C1. Ce qui, dans le cadre européen, correspond à une langue maternelle pratiquée avec quelques petites fautes. Cette maîtrise de l’allemand leur permet ensuite de poursuivre de plein droit leur cursus dans les universités françaises et allemandes sans avoir à passer un examen d’admission. Ils ont ainsi accès à des double-masters dans de nombreux domaines, économie, droit, sciences…

__________

REPERES

Chiffres-clés de l’Abibac

Les données communiquées par le ministère indiquent qu’en six ans, le nombre de candidats à l’AbiBac a plus que doublé. D’autre part, en termes de résultats, après un maintien autour de 95 %, le taux de réussite des deux dernières années dépasse les 98 % sur l’ensemble du territoire !

Session--------Candidats--------Lauréats

2006------------------467 -------------451

2007------------------547 -------------525

2008------------------710 -------------676

2009------------------837 -------------800

2010------------------951 --------------903

2011------------------967 --------------949

2012-----------------1073 ----- -------1067

Source : Education nationale, SG / Délégation à la communication

__________

A SAVOIR

L’AbiBac existe-t-il pour les élèves allemands ?

En Allemagne, l’AbiBac existe également. L’enseignement binational démarre à partir de la Gymnasiale Oberstufe. Les élèves étudient le français, la littérature ainsi que l’histoire et d’autres disciplines de sciences sociales. Leur examen comprend les épreuves comptant pour l’Abitur en allemand et en français, les épreuves spécifiques comptant pour l’Abitur et pour le baccalauréat : histoire ou autre discipline de sciences sociales à l’écrit et français (à l’écrit et à l’oral). Les élèves ayant passé avec succès ces épreuves reçoivent, outre leur diplôme d’Abitur, une attestation de succès au baccalauréat. Cette attestation est délivrée par le rectorat de leur établissement partenaire.