EDUCATION

EDUCATION – Le choix de l’internat

Loin des images d’Épinal véhiculées par le film Les Choristes ou par Les disparus de Saint-Agil, le roman de Pierre Véry, l’internat d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le pensionnat d’hier. Rénové, repensé, il offre un cadre favorable à la réussite scolaire des élèves, en leur fournissant des conditions de travail optimales, et à leur épanouissement personnel en mettant à leur disposition un grand nombre d’activités (culturelles, sportives, etc.). Outre l’offre d’hébergement qui le caractérise, l’internat a été conçu comme un dispositif pédagogique censé favoriser l’égalité des chances.
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Quand il s’agit de parler de l’internat, tous les observateurs s’accordent sur un point, résumé par Lucyna Moari, inspectrice pédagogique régionale chargée par le recteur de l’académie de Nantes du dossier « internat d’excellence » : « Après avoir été longtemps déprécié, on constate un changement de comportement vis-à-vis de l’internat qui a retrouvé une certaine faveur. » « Il faut dire que la pension d’antan a vécu ! », s’exclame Jacques Demarolle, proviseur de la cité scolaire Raoul Vadepied d’Evron (Mayenne). « L’internat a reconquis ses lettres de noblesse notamment en se rénovant. » Et son établissement en est le parfait exemple avec ses quatre millions d’euros de frais de rénovation financés par le conseil régional. « J’ai moi-même été interne quand j’étais adolescent et une chose est sûre : je m’y ennuyais royalement », reconnaît René-Jean Piazza, proviseur du lycée professionnel de Narcé à Brain-sur-l’Authion (Maine-et-Loire) où les jeunes ont, outre les sorties scolaires au cinéma, accès à un club vidéo, musique, un journal, un gymnase… « Nous avons deux sections sportives scolaires très prisées des élèves, nous avons noué un partenariat avec les fédérations sportives régionales de judo et d’athlétisme et bénéficions donc de deux entraîneurs de niveau national », s’enorgueillit le proviseur.
Les internats d’aujourd’hui ont consenti des efforts très importants pour se rendre « accueillants et conviviaux », explique Lucyna Moari, « afin de fournir des cadres de vie qui soient propices à l’apprentissage, mais aussi aux relations sociales, et ainsi de permettre une ouverture à la culture ». « L’internat permet aussi de pallier le déficit culturel de ces jeunes », renchérit Jacques Demarolle. La mise à disposition de l’accès à la ressource numérique (« filtrée bien entendu, avec une liste de sites interdits par le rectorat et donc inacessibles aux élèves », précise René-Jean Piazza) « contribue notablement à l’égalité des chances », assure Lucyna Moari.
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Égalité des chances
Trois mots qui reviennent avec ferveur dans la bouche de tous les directeurs d’établissement interrogés, qu’il s’agisse d’un lycée professionnel (comprenant un BTS spécifique), d’un internat situé en zone rural (comprenant des classes préparatoires aux grandes écoles – CPGE) ou encore d’un internat d’excellence. « Dans mon établissement, les élèves viennent tous de familles peu aisées, néanmoins, ils sont tous issus de quartiers et de milieux très différents, souligne René-Jean Piazza, nous avons une grande diversité sociale. » « J’estime n’avoir que des internes d’excellence, s’amuse Jacques Demarolle, puisque nous nous efforçons de créer pour tous des conditions de réussite qui ne seraient pas réunies s’ils rentraient chez eux. » Et ces efforts semblent porter leurs fruits. « Par rapport aux demi-pensionnaires, les internes obtiennent 1,8 point de plus sur leur moyenne trimestrielle chez nous », se félicite Jacques Demarolle. « C’est une dynamique globlale de solidarité entre les jeunes, aussi bien scolaire qu’humaine et qui est un ferment de réussite, confirme le proviseur du lycée professionnel de Narcé, nous avons 100 % de réussite dans certaines classes composées majoritairement d’internes. »
« L’internat favorise la réussite scolaire, en classes préparatoires en particulier, assure Loïc Toussaint, proviseur du lycée Hoche, dont l’établissement propose des places aux CPGE. Il n’y a pas de concurrence entre nos élèves, ils travaillent ensemble et sont suivis par des CPE et des assistants d’éducation qui sont très attentifs aux éventuelles dérives psychologiques d’élèves qui ont du mal à résister à la pression. » Car telle est la grande force de l’internat : l’encadrement. « L’internat fournit un cadre structurant et structuré », résume Lucyna Moari, notamment au moment de l’adolescence, il apprend aux élèves à travailler, mais aussi à se confronter aux autres. »
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Règles de vie en communauté
Les conditions de la réussite scolaire passent nécessairement par le respect d’un certain nombre de règles. Et notamment concernant les heures d’étude. Dans la plupart des cas, les internes de première année sont soumis à au moins une heure d’étude surveillée chaque soir avant de gagner en autonomie au fil des ans et de pouvoir accéder à une salle d’étude à disposition. « Ces heures d’étude obligatoires instaurent des habitudes de travail et d’organisation », explique Lucyna Moari. Là, le calme est bien entendu de rigueur afin de « garantir un environnement de travail serein ». « L’idée étant de créer des conditions de travail personnel adéquates dont ils ne bénéficieraient pas forcément dans leur famille. »
Mais la vie de l’internat est surtout rythmée par les heures dédiées à la restauration. En la matière, les élèves sont priés de faire preuve de poncutalité. Dans les établissements où leur nombre est élevé, celle-ci est indispensable pour garantir le bon déroulement des différents services de cantine. « Un internat, c’est une petite ville, entre le lundi et le vendredi, il se passe toujours quelque chose, confie René-Jean Piazza, il est important d’imposer une certaine rigueur aux jeunes. » Une rigueur censée également rassurer les parents et éviter les débordements de l’adolescence. Même si l’internat se veut moins dur qu’autrefois, la discipline des élèves demeure l’une des conditions indissociables du bon fonctionnement de l’établissement. « Un élève qui ne serait pas capable de respecter les règles de vie en communauté va non seulement se rendre malheureux mais également compromettre la vie de l’internat », analyse Lucyna Moari.
Temps d’adaptation
L’une des contraintes propres à l’internat touche à la configuration de l’hébergement : il n’est pas rare que que les élèves soient plusieurs par chambre, ce qui favorise certes le travail en commun et la solidarité, mais peut aussi être vécu comme une gêne. Les élèves peuvent ainsi avoir du mal à s’adapter, comme le confirme René-Jean Piazza : « Certains ne supportent pas la promiscuité. Il faut un temps d’adaptation, de deux à trois semaines. Normalement à la Toussaint, tout est calé. » Dans ce cas, pas de panique, insiste Christian Philip, recteur de l’académie de Montpellier : « Si cela ne marche pas, il faut être capable de le dire, il ne s’agit pas d’une solution définitive, le choix est réversible. » « Nous faisons preuve d’une écoute attentive et ne fermons pas la porte au dialogue afin de détecter les éventuels malaises », assure Loïc Toussaint.
Malgré tous les avantages que présente l’internat, il demeure néanmoins un lieu fermé où les élèves se retrouvent loin de leur famille. « Le projet d’hébergement en internat n’est pas une décision facile à prendre, concède Lucyna Moari, elle doit être réfléchie, mûrie entre le jeune et sa famille. » « Il faut éviter à tout prix que l’enfant ait le sentiment qu’on se débarrasse de lui », souligne Christian Philip. Pour cela, l’idéal est d’en discuter avec l’enfant au plus tôt afin de l’aider à préparer au mieux son projet de formation. L’internat peut être une bonne solution pour éviter la fatigue liée à trop de transports, mais aussi pour suivre la formation de leur choix. En outre, « il est toujours utile de visiter les établissements proches de chez soi, de rencontrer les chefs d’établissement, des internes afin de se faire une meilleure idée », suggère l’IPR de l’académie de Nantes.
Au lycée professionnel de Narcé, un accueil spécifique est prévu pour tous les nouveaux internes avec un pique-nique et un petit-déjeuner censés « leur faire oublier qu’ils sont loin de chez eux », mais aussi avec une rencontre entre les nouveaux et les anciens le deuxième soir de leur arrivée afin de « créer du lien », explique son proviseur. Tous les chefs d’établissement le garantissent, une très faible minorité d’élèves quittent l’internat faute de s’y être plu. Des aménagements existent dans certains établissements pour faciliter l’adaptation. « Ma fille voulait rentrer au moins un à deux soirs par semaine à la maison les premiers temps, confie Jacques Demarolle, mais dès la troisième semaine, il n’en était plus question ! »
C.C
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TEMOIGNAGE

Jean-François Bourdon, chef de bureau de l’éducation prioritaire et des dispositifs d’accompagnement et ancien proviseur du premier internat d’excellence, situé à Sourdun

« Le secret de la réussite d’un internat, comme l’a prouvé l’expérience de Sourdun, réside notamment dans le profil de son équipe pédagogique. Outre leurs compétences disciplinaires, les personnels recrutés doivent présenter un engagement sans faille, un goût très fort pour le travail en équipe, une cohérence complète et une vraie attitude d’adulte. C’est un réel contrat de confiance qui se noue entre les élèves et les professeurs. Une ambiance familiale se crée avec l’ensemble de la communauté éducative. Mais attention, il ne faut pas penser que l’internat sera le moyen de régler des problèmes de comportement qui n’ont pu être réglés par ailleurs. Pour cela il existe d’autres réponses telles que les établissements de réinsertion scolaire (ERS). Toutefois, l’internat peut être d’un réel secours en cas de difficultés financières ou de crise familiale, il peut permettre à l’enfant de garder des repères. Dans tous les cas, il est indispensable de se renseigner sur ce que proposent les établissements. »

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INTERVIEW
Léo, 16 ans, élève interne de Première S, lycée Maurice Genevoix de Bressuire (Deux-Sèvres)

Comment avez-vous perçu l’internat ?
J’ai plutôt vécu l’internat comme une opportunité que comme une contrainte étant donné que j’ai été à l’origine du choix. L’expérience de ma sœur interne durant ses années lycée m’a donné envie d’essayer. Je souhaitais surtout éviter de me lever à 6 h chaque matin pour prendre le bus, mais aussi vivre autrement le lycée. C’est vraiment un choix que je ne regrette pas.
Quels avantages présente-il selon vous ?
Lorsque l’on est interne, le lundi matin on ne se lève pas seulement pour aller en cours, on se lève pour retrouver ses amis et sa chambre pour la semaine. Aujourd’hui je ne me verrais pas autrement qu’interne, tant les bénéfices sont nombreux autant au niveau des rencontres que de la scolarité.
De plus, d’un point de vue culturel, les sorties internes régulières (concerts, expositions, cinéma…) m’ont beaucoup apporté. Enfin, Je crois que dans un milieu rural l’internat est un réel atout pour les élèves.

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