EDUCATION

EDUCATION – Pédagogie : les évaluations en primaire

Depuis la réforme du primaire mise en œuvre en 2008, les élèves de CE1 et de CM2 sont soumis à des évaluations nationales en français et en maths. Une réforme tout d’abord contestée, mais qui semble s’imposer peu à peu.


Après des débuts difficiles, la généralisation des évaluations en primaire a fini par s’installer sans heurts, contrairement à celles initialement prévues en fin de maternelle et qui « ont été mises en sommeil après la levée de bouclier de tout le corps enseignant qui redoutait un fichage en règle », comme le confie une directrice d’école.
En CE1 et CM2, des aménagements ont également été mis en œuvre au fil des ans. Alors que les évaluations des élèves de CE1 étaient prévues en fin d’année dès l’application de la réforme, celles des élèves de CM2 avaient initialement lieu en janvier. Ce qui n’a pas manqué de poser de sérieux problèmes, comme l’analyse Dominique Kasper, directrice de l’école élémentaire Justin Oudin à Issy-les-Moulineaux : « à cette époque de l’année, toutes les notions n’ont pas forcément été abordées, ce qui biaisait les résultats. Cela n’a pas manqué de provoquer un tollé chez les enseignants qui ne voyaient pas l’intérêt de mettre ainsi en échec les élèves ». « À la demande de la majorité des enseignants, les évaluations de CM2 ont finalement été décalées en fin d’année, comme pour les CE1 », explique Alice Bouchara, directrice de l’école élémentaire Aristide Briand à Montrouge, en banlieue parisienne.

Un déroulement sur une semaine
Désormais les évaluations ont donc lieu en mai en CE1 et en CM2. Elles doivent permettre, selon le ministère de l’Education « de voir comment chaque élève se situe par rapport aux objectifs définis dans les programmes et de remédier, le cas échéant, aux difficultés constatées ». L’objectif, à terme, consiste à réduire le nombre des élèves qui entrent au collège en ayant d’importantes difficultés de lecture et de calcul. « Les évaluations permettent de vérifier l’état des apprentissages et des acquis en français et en mathématiques », insiste Édouard Rosselet, inspecteur d’académie-directeur des services départementaux de l’éducation nationale (IA-DSDEN) des Hauts-de-Seine (lire son interview en encadré).
Les évaluations ont lieu sur une semaine lors de quatre séquences par demi-journée, soit quatre fois deux heures pour le CM2 et « un peu moins longtemps pour le CE1 », explique Dominique Kasper, selon un planning choisi par le maître de la classe. « Les enfants sont prévenus du calendrier des évaluations en amont et du temps qu’ils ont, en outre, on leur notifie bien qu’on ne peut pas déroger aux consignes écrites. » « Mais on ne les y prépare pas outre mesure, il n’y a pas de bachotage particulier, on joue le jeu, sinon cela ne représenterait aucun intérêt », assure Alice Bouchara.
Concrètement en CE1, les élèves doivent par exemple lire à haute voix un texte comprenant des mots connus et inconnus, rédiger un texte de cinq à dix lignes et orthographier sous la dictée quelques mots simples. En mathématiques, on leur demande d’écrire ou de dire des suites de nombres et de résoudre des problèmes concrets.
En CM2, les choses se complexifient. En français, les élèves doivent repérer dans un texte des informations explicites ou implicites, utiliser le contexte pour comprendre un mot, orthographier sous la dictée un texte simple, savoir utiliser un dictionnaire. Tandis qu’en mathématiques, on leur demande d’écrire et de nommer les nombres entiers, décimaux et les fractions, de calculer mentalement et de résoudre des problèmes relevant des quatre opérations.

Pas un examen de passage
« L’avantage de cette démarche est qu’elle permet de placer les élèves en situation de réalité, observe Dominique Kasper, de les situer par rapport à une norme. » « Souvent l’enfant en difficulté fait déjà l’objet d’une aide personnalisée, l’évaluation peut être le reflet d’un progrès de l’élève ou au contraire confirmer un problème. » « On s’en sert énormément pour l’aide personnalisée, pour constituer des groupes de besoin », renchérit Alice Bouchara. « En fait, le dispositif est plutôt intéressant, mais il ne nous apprend rien sur les élèves, on ne découvre jamais leurs difficultés à cette occasion… et heureusement ! », affirme Dominique Kasper.
En outre, il ne s’agit pas de pénaliser l’élève en fonction de ses résultats. L’inspecteur d’académie, Édouard Rosselet, insiste sur le fait qu’en CM2, « les évaluations ne constituent pas un examen de passage en 6e, comme cela a été évoqué. Preuve en est qu’elles auront lieu après les décisions prises en conseil de classe ».
Un seul mot d’ordre à l’attention des parents résumé par Alice Bouchara : « dédramatisons ces évaluations ». « Nous veillons à rassurer les parents : on n’évalue pas les enfants par rapport aux autres mais par rapport à ce qu’ils fournissent, à leurs progrès », assure-t-elle. « Nous les recevons individuellement pour leur communiquer les résultats et leur expliquer le système de notation binaire, voir avec eux comment ça fonctionne. » Même vigilance dans l’école élémentaire Justin Oudin d’Issy-les-Moulineaux : « une réunion est convoquée par le maître qui donne les résultats globaux de l’école et de la classe, mais qui prend rendez-vous individuellement avec les familles ».

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INTERVIEW
Édouard Rosselet, inspecteur d’académie-directeur des services départementaux de l’Education nationale (IA-DSDEN) des Hauts-de-Seine

À quoi servent ces évaluations dans le primaire sur un plan national ?
Il s’agit surtout d’une autoévaluation du système à travers l’évaluation sommative des élèves, pour s’assurer que les réformes mises en place, et notamment l’aide personnalisée dès la maternelle, sont suivies d’effets. C’est une photographie à un moment donné du niveau des élèves, un outil de pilotage. Nous attendons d’elles qu’elles confortent nos orientations stratégiques. Il s’agit de voir comment le système évolue et quelle est la tendance. Au fil des années, elle nous apprend à interroger les animations pédagogiques, la formation continue.

Après environ trois ans de mise en œuvre, quel est le premier bilan ?
Dans les Hauts-de-Seine les résultats sont bons, ce qui n’est pas étonnant. Le rôle de l’école n’est pas de constater que les origines sociales déterminent pour beaucoup les résultats scolaires. Mais les résultats montrent qu’il faut développer tout ce qui touche à l’autonomie, à la créativité. Cela suppose une évolution de la posture pédagogique pour rendre l’élève maître de ses apprentissages.

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REPERES
Résultats des dernières évaluations
Résultats calculés sur la base d’une analyse statistique réalisée par le ministère à partir d’un échantillon représentatif.

En français :
51 % ont des acquis très solides.
28 % ont de bons acquis qui seront développés dans les mois à venir.
14 % ont des acquis encore fragiles à consolider.
7 % ont des acquis insuffisants et bénéficieront d’une aide spécifique.
En mathématiques :
52 % ont des acquis très solides.
27 % ont de bons acquis qui seront développés dans les mois à venir.
11 % ont des acquis encore fragiles à consolider.
10 % ont des acquis insuffisants et bénéficieront d’une aide spécifique.

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POUR EN SAVOIR PLUS
Les résultats des évaluations obtenus par les élèves, présentés de façon anonyme au niveau national, académique et départemental, sont consultables en ligne sur le site www.education.gouv.fr.
Cliquez sur la carte ci-dessous pour accéder aux dernières évaluations des élèves de CE1 et CM2 en 2011.

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