VDP 406

EDUCATION VIE SCOLAIRE www.peep.asso.fr - numéro 406 - Mai-juin-juillet 2019 11 Grand Témoin Fabrice Jaumont Quelle est la place du bilinguisme, et plus particulièrement du bilinguisme anglais-français, aux Etats-Unis ? Dans les grandes villes américaines, il est très présent. Les filiè- res bilingues anglais-espagnol ou anglais-chinois sont les plus répandues, mais la demande est forte pour des cursus anglais- français, que ce soit de la part de parents francophones, sou- cieux de maintenir le niveau en langue de leur enfant, ou de familles américaines adeptes du plurilinguisme. Le problème, c’est que ces filières sont souvent proposées par des écoles privées qui les facturent plus de 30 000 dollars par an. Des cursus publics gratuits existent, mais ils sont peu nombreux. On en compte seulement 12 en français à New-York et 170 aux Etats-Unis. Pour remédier à cette situation, j’ai écrit un livre dans lequel je donne une méthode censée permettre aux parents qui le souhaitent d’avoir les clés pour convaincre des directeurs d’école de créer une filière bilingue publique au sein de leur établissement. En quoi le bilinguisme peut-il jouer un rôle important dans l’ap- prentissage des langues ? Aux Etats-Unis, l’enseignement des langues étrangères a de plus en plus de mal à s’imposer face à des filières plus en vogue, comme l’informatique ou la technologie. Pour autant, le nombre de filières bilingues, lui, ne cesse de progresser. Elles sont la preuve qu’il existe toujours un attrait pour les langues étrangères. Vous qui êtes installé depuis des années de l’autre côté de l’Atlantique, comment voyez-vous l’apprentissage des lan- gues en France ? Je constate que les choses évoluent, mais que les change- ments interviennent surtout au collège et au lycée. Selon moi, c’est trop tard. En concentrant les efforts sur le primaire, on profiterait davantage des capacités des plus jeunes à apprendre les langues, et pas seulement l’anglais. Développer les filières bilin- gues pourrait aussi être une bonne solution pour amélio- rer le niveau général des jeunes Français quand on considère les nombreux bénéfices du bilinguisme sur le développement cognitif et émotionnel des enfants. Contrairement à ce que l’on imagine, cette approche n’est pas plus coûteuse que l'approche monolingue. Certes, cela demande un effort sur la formation des enseignants et un tra- vail d’adaptation des manuels, mais cette organisation ne coûte pas plus cher en ressources humaines dans la mesure où deux enseignants partagent leur temps sur deux classes. C’est plus avantageux et nettement plus efficace que de faire venir 3 heures par semaine un professeur de langue dans une classe de primaire. En quoi, selon vous, l’intérêt du bilinguisme dépasse-t-il le seul apprentissage des langues ? De nombreuses études ont démontré que le fait d’enseigner deux langues simultanément développait chez les enfants une gymnastique cérébrale qui favorisait l’apprentissage des autres matières. Le bilinguisme a aussi tendance à renforcer l’empa- thie, le respect et la capacité d’intégration. Il serait dommage de se passer de ces bienfaits. Comme le dit Gregg Roberts, qui a beaucoupœuvré pour le développement de filières bilingues aux États-Unis, « le monolinguisme est l’illet- trisme du XXI e siècle ». Fabrice Jaumont, auteur de « La Révolution bilingue : le futur de l’éducation s’écrit en deux langues ». « Faisons profiter nos enfants des bienfaits du bilinguisme » Educateur, chercheur et auteur, Fabrice Jaumont est très impliqué dans le développement des filières bilingues outre-Atlantique, particulièrement à New-York où il réside. Son livre « La Révolution bilingue : le futur de l’éducation s’écrit en deux langues » (éd. Tbr Books) encourage parents et éducateurs à créer de nouvelles filières à deux langues. credit - J. Cuenin

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