VDP 398

numéro 398 - Novembre-décembre 2017 - www.peep.asso.fr construite. Pour l’élève, il s’agit de se poser une série de questions : « qui parle ? », « comment parle-t-il ? », « quel est le langage utilisé ? », etc. Ensuite, il s’agit de distinguer les faits et les inter- prétations, l’événement du discours. En confrontant les interprétations, l’élève prend conscience de la nécessité d’un pluralisme dans les débats. Enfin, dernier axe, il doit évaluer les interprétations pour distinguer notamment les hypothè- ses, les opinions ou les jugements. « Enfin, il faut que les élèves soient capables d’argumenter autour de ça, c’est-à-dire de restituer ces informations, en enten- dant les points de vue qui ne sont pas les leurs » , ajoute Nicolas Rocher. Avec un esprit critique affûté, les élèves deviennent capables de se placer dans une logique d’ouverture et d’échange raisonné. Ils ne réfléchissent pas selon une croyance ou une invective, mais sur la base de démonstrations. Une construction en partenariat L’esprit critique est donc un système qui se construit brique par brique, qui évolue en même temps que la maturité de l’en- fant. C’est pourquoi, cet enseignement peut parfois être vécu comme une transformation surprenante pour les parents. Le rôle de ces derniers sera alors d’adopter une forme de compréhen- sion vis-à-vis de la nouvelle autonomie de leurs enfants. « Le rôle des parents dans le développement de l’esprit criti- que est essentiel, car il nourrit la curiosité, qui est la base de tout. Les parents doi- vent être en mesure de dire à leur enfant “tu as le droit de t’exprimer, de ne pas être d’accord, mais il faut dire pourquoi”, sans pour autant tomber dans l’émancipation totale de l’enfant. S’il y a une telle volonté d’émancipa- tion, elle doit avant tout être enseignée, et c’est un travail conjoint entre l’école et la famille » , commente Anne Pedron- Moinard. Une action mutuelle entre l’enseigne- ment et les parents, donc, que plébiscite également Nicolas Rocher. « Il serait illu- soire pour les parents de dire que l’esprit critique est le domaine unique de l’école. Dans leur sphère privée, les enfants sont hyperconnectés et consom- mateurs d’informations. Le travail doit alors se faire en articulation entre cette sphère privée (les parents) et le public (l’école). Il ne faut pas se renvoyer la balle : les parents doivent eux aussi être responsables et s’investir là-dedans, de la même manière qu’ils leur apprennent à traverser une rue ou à être poli avec les gens » affirme-t-il. Un exposé à prépa- rer ? Aux parents de s’assurer, par exem- ple, que les moteurs de recherche qu’utiliseront leurs enfants ne renverront pas sur des pages commerciales ou ambiguës. Garder un rôle de superviseur ou d’alerteur permet d’accompagner l’enfant dans sa compréhension du monde. Pour Nicolas Rocher, en s’inves- tissant dans ce domaine, « les parents agissent en respect d’une dimension civique et citoyenne » . n CT EDUCATION VIE SCOLAIRE Ancienne journaliste, Rose-Marie Farinella puise dans son expérience passée pour sensibiliser une classe de CM2, de l’école de Taninges en Haute-Savoie, aux fausses infor- mations. « J’ai construit un scéna- rio pédagogique sur trois axes : comprendre ce qu’est une vraie information, définir ce qu’est une fausse information et savoir uti- liser Internet et les réseaux sociaux, qui peuvent être des contenus fantastiques et créa- tifs, à condition de savoir res- ter vigilants » , détaille Rose- Marie Farinella. Interventions de journalistes professionnels, improvisations entre les élè- ves, analyse des gros titres de la presse, création d’un jour- nal parodique (voir visuel ci- contre)… L’enseignante et les élèves analysent les médias dans les moindres détails. Non seulement les élèves aiguisent leur esprit critique, mais la démarche de Rose-Marie Farinella les aide à devenir de bons cybercitoyens, en faisant barrage aux idées haineuses, racistes ou complotistes. La mission accomplie, ils reçoivent un diplôme d’« apprenti hoax- buster », lors d’une cérémonie où chacun prête ser- ment sur la souris de l’ordinateur : « Avant de partager ou d’utiliser une information, toujours je la vérifie- rai ». 6 Quand les élèves de Rose-Marie Farinella démêlent le vrai du faux…

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